A la fin du XIème siècle, les habitants d’Al Andalus assistent à un spectacle dont ils n’ont pas l’habitude. Une immense armée étrangère déferle sur leurs villes. Il ne s’agit pas là des redoutables coalisés chrétiens qui cherchent à conquérir la péninsule ibérique depuis le nord, mais des Marocains venus du sud pour justement combattre cette menace. Mais la rencontre de ces deux mondes que tout oppose, ne manque pas de provoquer des inquiétudes. Elles concernent surtout les citadins andalous qui, comme le décrivent leurs chroniques, craignent ses hommes enturbannés, d’apparence rustre et qui parlent un langage incompréhensible. Ces «enturbannés» sont les guerriers Almoravides, dynastie amazighe régnante de l’autre côté de la Méditerranée.
Leur chef, Youssef Ibn Tachfine (1061-1106), traverse le détroit de Gibraltar en juillet 1086 à la demande même des Califes andalous. Dans un texte attribué par les historiens à Ibn Tachfine lui-même, le sultan semble presque s’amuser de l’effet de ses hommes sur la population andalouse : «De tous les horizons, des gens venaient voir nos guerriers, ils accouraient vers eux des régions les plus diverses, étonnés de leurs aspects et méprisant leurs atours et leur façon de parler, car rien en eux n’était à leur goût. Les Andalous n’auraient pu les vaincre qu’après s’être desséché la salive et essuyé la sueur». Le cliché des Arabes andalous fins et raffinés, mais couards face aux guerriers intrépides, vaillants mais incultes Amazighes, va ainsi se figer dans la mémoire de la région.
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