BILAD EL-MAKHZEN ET BILAD EL-SIBA
- 1 juil.
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Dans l’histoire du Maroc, les termes « Bilad El-Siba » et « Bilad El-Makhzen » sont souvent mal compris, voire intentionnellement détournés par certains propagandistes, notamment en Algérie, pour remettre en question l’unité historique du Royaume. Pourtant, un examen sérieux de l’histoire marocaine montre que ces concepts ne signifient jamais une absence d’état ou de souveraineté, mais traduisent plutôt la nature complexe, souple et profondément enracinée du pouvoir marocain.
Depuis l’avènement de la dynastie Idrisside au 8e siècle (fondée par Idriss Ier en 788 à Fès), le Maroc a toujours connu un pouvoir central monarchique, incarné par un sultan ou un roi, souverain légitime à la fois sur le plan politique et religieux.
Le Makhzen, mot d’origine arabe signifiant « dépôt » ou « trésor », est rapidement devenu un terme désignant l’appareil étatique autour du Sultan : les caïds, les gouverneurs, les tribus makhzéniennes, les armées, les percepteurs d’impôts, etc. Le Makhzen représente l’autorité du souverain sur l’ensemble du territoire marocain, qu’elle soit exercée directement ou par délégation.
Le Bilad el-Siba, littéralement « pays de l’insoumission », ne signifie en aucun cas un territoire étranger ou une zone indépendante du Maroc. Il désigne des régions où certaines tribus contestaient l’autorité fiscale ou administrative immédiate du Makhzen, tout en reconnaissant l’autorité spirituelle du Sultan comme Commandeur des Croyants (Amir Al Mouminine).
Les tribus dites « Siba » ne remettaient pas en cause l’unité du pays ni l’existence du Sultanat, mais refusaient parfois l’impôt ou la nomination d’un caïd imposé. Il s’agissait d’un mécanisme de régulation interne à la société marocaine, dans un cadre tribal et berbère où l’État marocain pratiquait la délégation du pouvoir au lieu de l’imposition brutale.
Le Sultan envoyait régulièrement des expéditions pacificatrices ou militaires dans ces régions pour réaffirmer son autorité. Ce va-et-vient est typique d’un État précolonial structuré mais adapté à la réalité géographique et sociale du pays.
Contrairement aux pays voisins créés de toutes pièces au 19e ou 20e siècle par les puissances coloniales, le Maroc est un des rares pays du monde islamique à avoir maintenu une continuité dynastique et territoriale pendant plus de 12 siècles.
Les dynasties successives (Idrissides, Almoravides, Almohades, Mérinides, Saadiens, Alaouites) ont toujours exercé un pouvoir légitime reconnu sur l’ensemble du Maroc historique et parfois au-delà (Sénégal, Andalousie, etc.).
Le concept de « Bay‘a » (allégeance) est un des piliers de cette légitimité : les tribus, les notables, les oulémas renouvelaient leur serment au Sultan, signe d’un lien politique et religieux unificateur, même dans les périodes de crise.
L’opposition entre Bilad El-Siba et Bilad El-Makhzen a été instrumentalisée par les colonisateurs français et espagnols pour justifier le protectorat en 1912. Ils ont prétendu qu’il fallait « pacifier » un pays « anarchique », alors que l’objectif réel était de démembrer un État marocain souverain.
Aujourd’hui, cette rhétorique coloniale est reprise par certains courants algériens pour nier la marocanité du Sahara ou la souveraineté historique du Maroc, oubliant que le Maroc signait des traités avec les puissances européennes en tant qu’État unifié bien avant la colonisation.
L’histoire du Maroc ne se résume pas à des cartes ou à une conception européenne de l’État-nation. Le Maroc est une entité politique, religieuse et territoriale pluriséculaire, avec un pouvoir monarchique reconnu, une continuité dynastique unique dans le monde arabe, et une cohésion forgée par la religion, la langue, la culture, et l’allégeance populaire.
Blad El-Siba n’a jamais signifié division territoriale, mais démontre la capacité du Maroc à gérer sa diversité par la négociation et la légitimité spirituelle, loin des schémas coloniaux rigides.
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