LE MAROC, PUISSANCE SPATIALE ÉMERGENTE
- 15 nov.
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Le Maroc n’est plus seulement un pays qui achète des satellites pour les montrer sur des posters. C’est un État qui construit une capacité spatiale, qui l’inscrit dans sa stratégie de souveraineté voulue par SM le Roi Mohammed VI, et c’est la nouveauté de ce 31 octobre 2025, qui fait adopter à l’ONU un texte de référence sur l’espace. À partir de là, on ne peut plus parler d’« utilisateur africain » mais bien de nouvelle nation spatiale reconnue internationalement.
Le tournant s’est opéré en deux temps. D’abord sur le terrain technique, avec le lancement depuis Kourou des satellites Mohammed VI-A (novembre 2017) puis Mohammed VI-B (novembre 2018), deux missions opérées par Arianespace avec le lanceur européen Vega pour « le compte du Royaume du Maroc » et réalisées en partenariat avec Thales Alenia Space et Airbus Defence and Space. Ce sont des satellites d’observation de très haute résolution, à usages à la fois civils et sécuritaires, destinés à la cartographie, au suivi du territoire, à la surveillance des frontières et à l’observation du Sahara marocain. Le fait même qu’Arianespace publie des launch kits officiels mentionnant le Kingdom of Morocco comme client souverain place le Royaume dans la catégorie des États qui disposent d’un segment spatial crédible.
Ensuite est venu le temps politico-diplomatique. Le Maroc n’a pas laissé ses satellites flotter tout seuls sur orbite : il les a adossés à une architecture nationale (Centre royal de télédétection spatiale CRTS, stations sol, ingénieurs formés, coopérations avec l’Europe et les pays arabes) et à une vision africaine. Plusieurs rapports internationaux sur l’espace en Afrique, notamment ceux de Space in Africa, du Africa Center for Strategic Studies ou de centres euro-méditerranéens, classent désormais le Maroc dans le premier cercle africain avec l’Égypte, le Nigéria et l’Afrique du Sud, en soulignant que le Royaume se distingue par la qualité de ses charges utiles et par l’usage dual (civil/sécurité) qu’il en fait.
À partir de là, le Maroc a commencé à faire ce que les vraies puissances spatiales font : renouveler et diversifier. La presse internationale a ainsi rapporté en 2024 que Rabat préparait l’acquisition de deux satellites d’observation de nouvelle génération auprès d’un fournisseur israélien afin de prendre le relais des Mohammed VI-A et B et d’introduire des capacités radar tout temps. Pour un pays africain, revenir moins de dix ans après un premier duo de satellites avec un deuxième paquet plus avancé, c’est un signe de continuité programmatique et non uniquement un « coup » politique ponctuel.
Mais le signe décisif de la reconnaissance internationale est arrivé le 31 octobre 2025 à New York.
Ce jour-là, devant la Quatrième Commission (questions politiques spéciales et décolonisation) de l’Assemblée générale, le Maroc, en sa qualité de pays assumant la présidence du Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique, a présenté le projet de résolution A/C.4/80/L.8-FR intitulé : « Coopération internationale touchant les utilisations pacifiques de l’espace ».
Ce détail de bas de page dans le document (« en sa qualité de pays assumant la présidence… ») vaut de l’or politiquement. Cela signifie qu’en 2025, l’ONU considère le Maroc non seulement comme un utilisateur de l’espace, mais comme un État suffisamment expérimenté, neutre et crédible pour présider l’organe onusien qui encadre l’usage pacifique de l’espace. Autrement dit : le Maroc est passé de l’orbital au normatif.
Que dit ce texte marocain ? Il s’inscrit dans la longue filiation des résolutions onusiennes sur l’espace (51/122, 62/217, 76/3, 79/86, 79/87…) et il rappelle plusieurs choses essentielles :
que l’espace est un patrimoine de l’humanité tout entière et qu’il doit rester à des fins pacifiques ;
qu’il faut empêcher une course aux armements dans l’espace et prendre au sérieux la question des débris spatiaux, désormais une menace pour tous ;
qu’il faut faire profiter tous les États, surtout les pays en développement, des applications spatiales : télésanté, téléenseignement, observation de la Terre, gestion des catastrophes, surveillance du climat ;
qu’il faut renforcer le rôle de l’ONU (Bureau des affaires spatiales, COPUOS, sous-comités scientifique et juridique) comme point de convergence ;
qu’il faut poursuivre l’agenda “Espace 2030” et même préparer une UNISPACE IV en 2027.
Le cœur politique du texte est là : un pays du Sud, arabe, africain, mais technologiquement avancé, vient dire à la communauté internationale que l’espace ne peut plus rester fermé aux nations émergentes. Ce n’est pas un discours théorique : le Maroc sait très bien de quoi il parle, puisque lui-même a dû monter en compétence, créer son centre de formation, financer ses propres satellites et se battre pour avoir un accès rapide aux données.
C’est pour cela que la résolution a été saluée par plusieurs délégations africaines et arabes : elle leur ouvre la porte d’un modèle marocain qui dit en substance : « nous aussi, nous pouvons être des acteurs spatiaux responsables, nous aussi, nous pouvons contribuer à l’ONU, nous aussi, nous pouvons appliquer les lignes directrices sur la viabilité à long terme des activités spatiales ».
Surtout, au paragraphe 31, le texte prend expressément note que les centres régionaux de formation aux sciences et technologies de l’espace affiliés à l’ONU ont poursuivi leurs programmes en 2025 et cite le centre régional africain francophone… situé au Maroc. C’est écrit noir sur blanc dans un document onusien numéroté. Cela veut dire que l’ONU reconnaît le Maroc non seulement comme utilisateur et comme président du comité, mais aussi comme pôle de formation spatiale pour l’Afrique francophone.







