L’ARMÉE ALGÉRIENNE MINÉE PAR LES PURGES ET LES RIVALITÉS INTERNES
- 29 août
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Les luttes intestines qui secouent aujourd’hui le sommet de l’État algérien opposent les principales figures civiles et militaires du régime : le président Abdelmadjid Tebboune, son directeur de cabinet Boualem Boualem, le chef d’état-major de l’Armée nationale populaire (ANP), le général Saïd Chengriha, ainsi que le général Mohamed Kaidi. Ce dernier, longtemps pressenti comme son successeur naturel, se trouve désormais assigné à résidence, selon des sources concordantes.
Le général Chengriha s’efforce de conserver une emprise totale sur l’appareil militaire et politique. Il exploite chaque circonstance, y compris des drames comme la chute d’un bus dans l’oued El Harrach à Alger, qui a fait 18 morts et 25 blessés, pour renforcer sa position et affirmer son autorité.
Sa stratégie consiste à marginaliser quiconque remet en cause son pouvoir, qu’il s’agisse de gradés de l’armée ou de personnalités de la société civile. En face, le général Mohamed Kaidi représentait une ligne différente, plus tournée vers l’extérieur et favorable à une coopération avec les puissances occidentales, notamment la France et les États-Unis, en Afrique du Nord comme au Sahel. Cette orientation, perçue comme une menace pour l’équilibre interne voulu par Chengriha, a précipité sa mise à l’écart.
Tebboune, qui avait tenté de s’appuyer sur Kaidi afin de rééquilibrer les forces en présence, s’est heurté à l’intransigeance du chef d’état-major. Celui-ci a rapidement neutralisé l’influence de son rival, tout en accentuant la répression au sein de l’institution militaire. Des dizaines d’officiers supérieurs ont été limogés, officiellement pour « corruption », « trahison » ou « abus de pouvoir », mais ces accusations apparaissent avant tout comme un outil de purge politique destiné à écarter les contestataires.
Ce climat d’évictions et de suspicion généralisée alimente un malaise croissant au sein de l’armée, pourtant pilier central du régime algérien. Pour de nombreux observateurs étrangers, la rivalité entre Tebboune et Chengriha ne se cantonne plus aux casernes : elle paralyse directement le fonctionnement de l’exécutif. Plusieurs ministres affirment recevoir des directives contradictoires, parfois totalement opposées, émanant à la fois du président et du chef d’état-major, plongeant l’État dans une confusion permanente.
À cette instabilité s’ajoutent les soupçons d’implication de certains responsables militaires dans des réseaux parallèles, voire dans le soutien à des groupes terroristes actifs au Sahel et au Moyen-Orient, selon des rapports diplomatiques occidentaux.
Entre un président affaibli, un chef d’état-major décidé à imposer sa mainmise et un général Kaidi neutralisé mais encore considéré comme une alternative crédible, l’Algérie s’enfonce dans une crise institutionnelle dont l’issue reste imprévisible. La question demeure : qui finira par l’emporter ? Chengriha, adossé à son appareil sécuritaire, ou Tebboune, qui tente tant bien que mal de s’affirmer à travers un équilibre illusoire soutenu par ses alliés civils inféodés au régime militaire.
Cette lutte de pouvoir a connu un nouvel épisode révélateur le 28 août dernier, lorsque Abdelmadjid Tebboune a brutalement démis de ses fonctions son Premier ministre, Nadir Larbaoui. Celui-ci a été remplacé à titre « intérimaire » par Sifi Ghrieb, ministre de l’Industrie et de la Production pharmaceutique depuis novembre 2024. Une décision perçue comme un aveu de faiblesse plus que comme une réforme : changer de chef d’exécutif suffira-t-il à sauver la présidence Tebboune ?
Ce remaniement a été précédé par le drame de l’oued El Harrach, le 16 août, où un bus bondé a chuté d’un pont, provoquant 18 morts et 23 blessés. L’événement, survenu alors que Tebboune se trouvait absent du pays pour raisons médicales, a mis en lumière la vacance du pouvoir : c’est Saïd Chengriha, encore lui, qui s’est empressé d’apparaître devant les caméras, au chevet des victimes, comme s’il était l’unique chef aux commandes.
L’apparition tardive du Premier ministre Larbaoui, arrivé sur les lieux quarante-huit heures après le drame, n’a fait qu’accentuer l’impression d’un exécutif paralysé. Quelques jours plus tard, Tebboune a réapparu après une vingtaine de jours d’absence, présidant une réunion sécuritaire aux côtés de Chengriha et du général Hassan, patron des renseignements intérieurs, mais sans Larbaoui. Ce dernier fut aussitôt sacrifié, utilisé comme fusible d’un système incapable d’assumer ses propres fautes.
Sifi Ghrieb, simple intérimaire sans véritable marge de manœuvre, est le quatrième Premier ministre nommé par Tebboune en moins de six ans. Une valse de têtes qui illustre le caractère profondément instable du régime : aucune continuité gouvernementale, aucune stratégie à long terme, seulement des manœuvres opportunistes pour masquer la fragilité du président.
Derrière ce jeu de chaises musicales, les Algériens n’ont vu qu’une vérité : leur quotidien ne s’améliore pas, et la multiplication des accidents, aggravés par l’interdiction d’importer pièces détachées et véhicules depuis 2019, est la conséquence directe des décisions irréfléchies de Tebboune. Sur les réseaux sociaux comme dans certains journaux, de nombreuses voix accusent désormais ouvertement le président d’être lui-même à l’origine de ces drames.
La conclusion est implacable : l’Algérie traverse une double crise, institutionnelle et sociale. Les généraux s’arrachent le pouvoir dans un climat de suspicion généralisée, tandis que le peuple paie le prix fort de la mauvaise gouvernance. Tebboune, affaibli par la maladie et par ses choix politiques, n’a plus la légitimité nécessaire pour diriger. Chaque nouveau remaniement, loin d’apporter une solution, ne fait que révéler un peu plus l’instabilité chronique d’un régime à bout de souffle.












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