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ALGÉRIE 2025, UNE PRISON À CIEL OUVERT
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ALGÉRIE 2025, UNE PRISON À CIEL OUVERT

  • 29 sept.
  • 3 min de lecture
ALGÉRIE 2025, UNE PRISON À CIEL OUVERT

En Algérie, la répression n’est plus un accident mais une architecture. Un an après la présidentielle du 7 septembre 2024, soldée par la réélection officielle d’Abdelmadjid Tebboune avec 84,3 % des suffrages, l’espace civique s’est encore resserré : arrestations au fil des semaines, procès expéditifs, lois durcies, et un silence organisé autour des prisonniers d’opinion. Les organisations internationales décrivent une trajectoire continue de fermeture, loin de toute « normalisation » post-électorale. Human Rights Watch


Dès janvier–avril 2025, la Rapporteuse spéciale de l’ONU sur la situation des défenseurs, Mary Lawlor, a exprimé sa « consternation » : la criminalisation des défenseurs se poursuit plus d’un an après sa visite officielle dans le pays (25 novembre–5 décembre 2023). Son rapport au Conseil des droits de l’homme et son communiqué du 30 janvier 2025 mettent noir sur blanc la persistance d’un usage dévoyé de l’appareil pénal contre les libertés fondamentales. Documentation des Nations Unies



En avril 2025, Amnesty International documente une nouvelle vague d’arrestations et de condamnations visant des militants et journalistes liés au mouvement en ligne « Manich Radi » : peines allant de 18 mois à cinq ans, procédures accélérées, chefs d’inculpation élastiques (« atteinte à l’unité nationale », « diffusion d’informations nuisibles à l’intérêt national », « incitation à rassemblement non armé »). L’ONG rappelle que ces personnes n’ont fait qu’exercer pacifiquement leur droit d’expression. Amnesty International


Ce durcissement s’appuie sur un arsenal juridique élargi : les modifications du Code pénal d’avril 2024 et l’emploi extensif de l’article 87 bis (antiterrorisme) fournissent au parquet une marge de manœuvre considérable pour assimiler la dissidence à une menace sécuritaire. FIDH, ARTICLE 19, ainsi que des analyses juridiques indépendantes, alertent sur le caractère vague des incriminations, les restrictions au financement associatif et la consolidation d’un régime d’autorisation préalable pour les ONG. FIDH



Au fil de 2025, plusieurs dossiers symbolisent l’état des libertés. Le Groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire a jugé « arbitraire » la détention du journaliste Ihsane El Kadi (Interface Médias) ; un signal international rare qui souligne l’absence de garanties pour la presse indépendante. Reporters Sans Frontières


Le 29 juin 2025, le journaliste sportif français Christophe Gleizes est condamné à sept ans de prison à Tizi-Ouzou, dans un contexte où l’antiterrorisme sert de clé-en-main judiciaire pour neutraliser l’enquête journalistique ; l’affaire, rendue publique au moment du verdict, a suscité l’indignation de RSF et des médias internationaux. Reporters Sans Frontières


Dans le même temps, les constats « macro » convergent. Le World Report 2025 de Human Rights Watch décrit une campagne électorale marquée par des arrestations pour des prises de position pacifiques, et une année 2025 où se cumulent poursuites, dissolutions et entraves à la réunion pacifique. Amnesty dresse un bilan similaire, pointant la fermeture prolongée de l’espace civique et la criminalisation de militants, journalistes, syndicalistes et défenseurs. Freedom House relève aussi des entraves répétées aux activités d’ONG comme SOS Disparus. Human Rights Watch


Ce climat pèse sur des cas individuels que la société civile tente de suivre malgré l’opacité : peines lourdes prononcées dans des procédures expéditives, restrictions de voyage, interdictions de publier, placements sous contrôle judiciaire, dissolutions d’associations et empêchements d’événements publics. Les chiffres varient selon les périodes et les sources, mais l’augmentation des interpellations depuis début 2025 et la multiplication des inculpations liées à l’expression en ligne sont des tendances établies. Le tableau dressé par ICNL et RSF complète celui des grandes ONG : blocages de sites, pressions économiques et judiciaires sur les rédactions, et un cadre réglementaire qui rend précaire toute activité médiatique autonome. ICNL


À l’international, le débat s’est déplacé à Genève : les mécanismes onusiens ont désormais une matière abondante pour rappeler à l’Algérie, membre du Conseil des droits de l’homme, ses obligations au plus haut niveau. Les appels répétés à libérer immédiatement les personnes détenues pour l’exercice pacifique de leurs droits, à réformer l’article 87 bis, à assainir la législation sur les associations et à garantir la liberté de la presse, se heurtent à une réalité intérieure où la peur, l’autocensure et l’usure judiciaire tiennent lieu de politique publique. FIDH


En septembre 2025, l’Algérie ne manque ni de talents ni d’aspirations ; elle manque d’air. Les réseaux sociaux, naguère soupapes, sont devenus des terrains minés où un hashtag peut conduire en cellule, où la poésie peut valoir un mandat de dépôt, et où informer relève du risque pénal. L’Histoire retiendra que le pouvoir a préféré la matraque au dialogue, et que, face à des citoyens qui disent « je ne suis pas satisfait », il a répondu « vous n’êtes pas autorisés ». Tant que le droit restera subordonné à l’arbitraire, ni la stabilité, ni la confiance, ni la prospérité ne pourront s’y établir durablement. Amnesty International



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