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GUERRE DES SABLES, LECTURE DES ARCHIVES FRANÇAISES

  • il y a 5 jours
  • 3 min de lecture

Depuis la déclassification de nombreuses archives françaises entre 2000 et 2023, un nouveau regard est jeté sur la guerre des Sables qui opposa le Maroc à l'Algérie en 1963. Ces documents, conservés à Aix-en-Provence, Nantes et La Courneuve, remettent en cause le récit algérien traditionnel qui présente le Maroc comme l'agresseur. Ils révèlent au contraire que c'est l'Algérie, tout juste indépendante, qui a attaqué des positions marocaines.



À la proclamation de l’indépendance marocaine en 1956, la France avait assuré respecter l'intégrité territoriale du Royaume, en s’appuyant sur des traités comme celui de 1911. Un comité franco-marocain fut même envisagé pour redéfinir les frontières sud. Le refus du sultan Mohammed V de négocier mena cependant la France à imposer unilatéralement la "ligne de 1957", déplaçant la frontière de 20 à 100 km à l’ouest et annexant des zones marocaines telles qu'Oum El Achar, Hassi Mounir et Hassi Beida.



Ironiquement, ces territoires qui avaient servi de base au FLN durant la guerre d’indépendance furent, après l’indépendance algérienne, conservés par l’armée algérienne. Les engagements pris en 1961 entre Feu SM Hassan II et Ferhat Abbas, alors président du GPRA, en faveur de négociations post-indépendance, furent reniés par Ahmed Ben Bella. Ce dernier déclara l’accord nul et non avenu.


Les archives montrent également des cartes modifiées pour légitimer les nouvelles lignes frontalières. En 1962, l’armée algérienne commença à prendre position dans ces zones et lança des attaques contre les forces marocaines dès octobre 1963. Le FLN, bien que jadis soutenu par le Maroc, avait donc une connaissance précise de ce territoire.


Des documents révèlent que des contacts furent établis entre des officiers algériens et espagnols à Mahbès en septembre 1962, pour un échange d’informations contre le Maroc. Les déclarations de Houari Boumediene sur les massacres de Reguibat à Tindouf ou encore le silence médiatique algérien sur les tensions frontalières montrent une stratégie délibérée d’expansion.



Ben Bella tenait d’abord un discours conciliant en 1962, affirmant que l’Algérie ne voulait pas hériter des frontières françaises, pour ensuite affirmer l’inverse en 1963, arguant que l’accord de 1961 était caduc. Des diplomates et responsables algériens eux-mêmes reconnurent le caractère marocain de Tindouf, comme l'indiquent les propos du préfet Meziane ou de l’ambassadeur Dahleb.


La guerre, déclenchée par surprise le 9 octobre 1963, fut marquée par l’intervention de pays étrangers aux côtés de l’Algérie : Cuba, l’Égypte, la Yougoslavie, et même des officiers français ou allemands. Le Maroc, trahi, se retrouva isolé. Feu SM Hassan II, interrogé par Le Figaro, exprima sa foi en la justice divine plutôt qu’en un regret politique.



Les archives françaises mentionnent aussi des échanges de prisonniers, la capture d’un hélicoptère égyptien et des médiations menées à Bamako et Addis-Abeba. Le conflit s’inscrivait dans une volonté algérienne de préserver un "héritage territorial colonial" tout en revendiquant une légitimité révolutionnaire.


Cette guerre révèle surtout le paradoxe d’une Algérie prônant la décolonisation tout en s’appropriant des territoires marocains hérités du découpage colonial. En réponse à une Algérie agitée par des conflits internes, ce conflit fut utilisé pour redonner un élan à une révolution essoufflée, quitte à sacrifier les relations nord-africaines.


Les faits, désormais corroborés par des archives diplomatiques, militaires et administratives, dessinent le portrait d’un expansionnisme algérien masqué par un discours de libération. Le Maroc, lui, se retrouve victime d’un révisionnisme territorial ayant pour origine des alliances coloniales et des ruptures politiques postindépendance.


En août 1963, les tensions frontalières s’exacerbèrent, notamment avec l’expulsion de ressortissants marocains de la région de Béchar. Le Maroc protesta officiellement, accusant l’Algérie de préparer une confrontation militaire sous couvert de troubles internes. Le 1er octobre, Krim Belkacem aurait rencontré Feu SM Hassan II à Tanger, coïncidant avec l’arrestation de figures de l’opposition algérienne, comme Boudiaf ou Aït Ahmed.


Le 20 octobre, un hélicoptère égyptien fut capturé, et le conseiller de Ben Bella, Abderrahman Chérif, maintenu en détention plusieurs mois. En échange, 375 soldats algériens furent remis contre 52 marocains. Le 15 octobre, pourtant, l’Algérie continua d’accuser le Maroc d’agression. Les pourparlers de paix tenus à Bamako et Addis-Abeba aboutirent à un cessez-le-feu le 4 novembre 1963.



Ces événements posent les bases d’une stratégie plus large, culminant dans les affrontements d’Amgala en 1975-76, et illustrent la constante d’un positionnement algérien dicté par des considérations tactiques et non historiques. L’Algérie, en s’appropriant l’intangibilité des frontières coloniales, poursuivit ainsi un agenda d’héritage impérial camouflé derrière une rhétorique anti-coloniale.


Enfin, ce conflit marque une rupture durable entre les deux nations d'Afrique du Nord qui, au lieu de s’unifier, s’est vu fragmenté par des ambitions territoriales héritées de logiques coloniales. La guerre des Sables, loin d’être un simple accrochage frontalier, constitue le premier acte d’un différend structurel opposant deux visions géopolitiques : celle de la souveraineté marocaine sur ses territoires historiques, et celle d’un régime algérien en quête de légitimation postcoloniale par l’expansion territoriale.

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