Les historiens nous rapportent que dès le moyen âge, le Maroc possède deux attributs essentiels de l’Etat, selon la conception moderne, à savoir une population et un gouvernement central mais quant au troisième c'est-à-dire des frontières précises «il a fallu attendre le 16ème siècle pour que l’Etat marocain commence à souhaiter plus de précision dans la délimitation de ses frontières terrestre».
A) Frontières précoloniales
Le Royaume du Maroc est une vieille nation qui naquit en 789 avec l’islamisation du territoire, et lorsque Idriss 1er fut proclamé roi. Le règne des Idrissides a fondé les premières bases sur lesquelles, dynastie après dynastie, le Maroc moderne s’est construit, avec une alternance de périodes de consolidation et de périodes d’émiettement.
Depuis plus de douze cents ans avec des moments d’essor et d’autres de déclin, jamais l’existence de la Nation marocaine n’a été remise en question. Rares sont les Etats ayant une profondeur historique comparable à celle du Maroc.
Sous les Saâdiens et les Alawites, le Maroc se stabilise dans les frontières qui resteront les siennes jusqu’au 19ème siècle: le Maroc aura désormais pour limites à l’Est Oued Tafna, au sud le fleuve Sénégal et le Moyen Niger. Bien que ces frontières (zone) n’ont pas la précision des tracés frontaliers actuels (lignes), mais il n’en demeure pas moins qu’à partir du 16ème siècle et cela sera encore plus vrai au 18ème siècle. Le Makhzen exerce son autorité d’une manière plus ou moins ferme (selon les périodes) sur le territoire que nous venons de définir et que ses partenaires internationaux reconnaissent comme étant son assise territoriale.
Même si la frontière entre le Maroc et l’Algérie s’étendait au moins jusqu’à Figuig et date du début du XVIe siècle; elle marque la limite occidentale de l’expansion des Ottomans qui ne parvinrent pas à y installer leur influence, en raison de la résistance des dynasties Sa’di puis Alawi.
Frontière fixée militairement, à l’ouest de Tlemcen, qui vers l’est couvrait les plateaux oranais et vers l’ouest était un passage obligé vers le seuil d’Oujda et la moyenne Moulouya, et qui fait l’enjeu de nombreuses batailles. Du point de vue marocaine, il s’agissait bien d’une frontière au sens de lieu par où pouvait se présenter l’adversaire. La fixation de cette ligne d’arrêt contribua à orienter la concurrence commerciale (route de l’or et du sel) et religieuse (querelle de légitimité pour la direction de l’Umma) entre les deux Etats vers le sud, Sahara et Soudan. L’influence marocaine s’étendit non seulement sur la fleuve Sénégal (par Tindouf et la Seguiet el-Hamra vers les émirats Trarza et Brakna) et sur le Songhay (par l’axe Marrakech-Tombouctou) mais aussi sur le Bornou. Influence durable si l’on en croit l’appel à l’aide lancé en 1892 par le pacha de Tombouctou au roi du Maroc. Une des conséquences de la présence marocaine fut de bloquer l’avance ottomane vers l’ouest, dans l’aire sahélo-saharienne, à partir du Kanem, dont tout le commerce se faisait avec Tripoli. Devant cet état de fait, les Turcs avaient demandé au Maroc «qu’il reconnaisse pour limite entre les deux Etats celle acceptée par ses prédécesseurs ainsi que par les Rois Saâdiens, précisant qu’eux même n’interviendraient pas dans son pays».
C’est sur cette base que le Sultan a signé l’accord de paix avec les Turcs qui maintient la frontière sur Oued Tafna, jusqu’à l’arrivée des français en Afrique du Nord, malgré que les Turcs ont pris l’occasion de l’anarchie au Maroc pour occuper Oujda et les tribus des environs pendant un certains temps en 1797 avant d’être chassé par Moulay Suleyman la même année.
C’est ainsi que Oued Tafna reste la limite de la frontière orientale jusqu’à la colonisation de l'Afrique du Nord par les européens.
B) Frontières coloniales
Le processus de la colonisation de l'Afrique du Nord commence par l’occupation de l’Algérie en 1830. Dès lors, le colonisateur a amorcé une amputation systématique du territoire marocain commençant par l’imposition de conventions et traités aux sultans du Maroc pour passer à la délimitation par des décisions unilatérales.
1) Traité de Lalla Maghnia
La frontière maroco-algérienne était la première à avoir fait l’objet d’un accord de délimitation au début de la période coloniale, avec le traité de Lalla Marnia de 1845, ville située entre Tlemcen et Oujda.
Bien que les limites avec le nouveau voisin se basaient sur ce qui existait durant la période de la régence d’Alger conformément à l’article 5 du traité de Tanger (conclu à la suite de la défaite du Maroc à Isly) qui stipule: «la délimitation des frontières entre les deux possessions de sa majesté l’empereur du Maroc et celle de sa majesté l’empereur des français reste fixée et convenue conformément à l’état des choses convenu par le gouvernement marocain à l’époque de la domination des Turcs en Algérie…l’exécution complète et régulière de la présente clause fera l’objet d’une convention spéciale négociée et conclue sur les lieux entre les plénipotentiaires désignés à cet effet…».
La France va imposer au Maroc le traité du 18 Mars 1845 dont les dispositions consistent à diviser la zone frontière en trois parties du Nord au Sud.
L’article 3 de la convention définit ainsi un tracé septentrional qui s’étend jusqu’à Teniet es-Sassi. Pour ce tronçon de la frontière, la part de la géographie est plus forte que la part de l’histoire. Le tracé, en effet, a été établi pour sa commodité et sa conformité aux canons de la géographie militaire, qui préfère la ligne continue à tout autre critère. Il est plus fondé, d’autre part, sur une exploration de l’espace (bien connu depuis qu’il est parcouru par les troupes armées) que sur l’exploration du passé ou des droits historiques.
Au sud de Teniet es-Sassi, un second principe l’emporte, celui de la répartition selon les tribus. Mais dans le Sahara (article 4), la convention exclut le partage territorial. Bien qu’il soit aussitôt explicité par le terme de désert, le mot de Sahara, comme c’est communément le cas au début de l’occupation française, désigne la zone des pâturages des Hautes-Plaines: non pas une région vide et désolée, mais une région parcourue, exploitée, habitée. C’est bien la définition que donne le lieutenant-colonel Daumas: il rappelle d’abord celle des livres - selon laquelle «le Sahara est une contrée plate et très vaste, où il n’y a que peu d’habitants, et dont la plus grande partie est improductive et sablonneuse» - mais précise, ensuite, que «le mot Sahara n’entraîne point nécessairement l’idée d’une immensité déserte»; car il est «habité sur certains points», «habitable sur certains autres», «inhabité et inhabitable sur d’autres encore».
Dans le Sahara ainsi compris, les plénipotentiaires ont donc réparti des tribus. Mais sur quelle base, ou plutôt selon quel principe de distribution? Il est possible et même vraisemblable que la règle de partage selon les groupements ait pu correspondre, sans transposition difficile, au principe longuement expérimenté d’une répartition des villages de l’Europe occidentale. Dans les deux cas c’est bien la détermination de l’unité de base, du groupement insécable, qui constitue la norme. Entre un village de paysans sédentaires et une tribu nomade, la différence tient alors au genre de vie: elle est autant économique qu’à proprement parler sociologique, du moins dans une première approche, et une proche Grossière. Quinze années enfin de présence en Algérie ont permis aux Français de se familiariser avec les réalités économiques du pays. Ce n’est donc point dans le principe de la distribution que réside l’innovation.
Deux articles (5 et 6) du traité terminent la description des limites. Le premier répartit les Ksour entre Maroc et Algérie: Ich et Figuig au Maroc, Aîn Sefra et quelques autres à l’Algérie. Sur ce point il n’y a pas, sur le moment, de controverses; l’attribution proprement dite des villages n’est point contestée (encore qu’il ait fallu, assez vite, se rendre à l’évidence: des tribus conservaient des liens avec les Ksour de l’autre bord).
C’est cependant le dernier de ces articles qui introduit le troisième type de frontière: au sud des Ksour le désert est inhabitable, et «la délimitation serait superflue». L’article - et plus généralement la définition même du Grand Désert comme l’appellent alors les textes et les cartes - est lapidaire. Mais comment en effet évoquer ce qui passe pour être vide?
La constitution de ce no man’s lande, du point de vue des usages en matière de délimitation, et même de la perception juridico-géographique, est bien l’innovation radicale du traité, et la seule. C’est ici que s’effectue nettement la rupture avec une pratique multiséculaire qui ne consentait jamais à reconnaître le vide pour tel. Jusqu’à présent, même lorsqu’il s’agissait de distribuer des tribus, les militaires se trouvaient encore en terrain connu: ailleurs il avait fallu déjà comprendre ce en quoi consiste une communauté villageoise. Mais au-delà de Figuig et d’Aîn Sefra, c’est, apparemment, une sorte de renoncement.
L’on peut s’interroger sur la raison d’être de cette nouveauté. L’intérieur du contient, le Touat par exemple n’est à l’époque nullement inconnu des européens. Daumas par exemple en décrit alors, avec suffisamment de détails, les populations, les ressources et activités économiques, les relations commerciales avec les ports de l'Afrique du Nord. Est-il possible déjà que les perspectives de pénétration économique puissent souffrir d’une stricte délimitation? En fait l’explication ne vaut guère pour les années 1840. Ce sont beaucoup plus probablement les lenteurs de la pénétration politique et militaire dans son ensemble qui rendent le mieux compte, à cette date, de la lacune apparente du traité. Mais tous les efforts ultérieurs consistent à exploiter ce silence de fait.
Ce sont ces trois modalités de partage - ou bientôt de conflits frontaliers - qui fixées en quelque sorte a priori au début de l’occupation française se perpétuent au cours du 19e siècle et au début du 20e, comme par duplication. Mais les conditions politiques, diplomatiques, militaires, changent, si bien que l’on en vient à appliquer des formes perverties de ces modalités d’origine.
2) Accords du début du 20ème siècle
A cette époque le Maroc se trouvait devant une situation critique. Il n’avait d’autre solution que d’essayer de préserver ses droits en négociant avec la France une série de traités (1901, de 1902 et 1910) qui ont disloqué le Maroc.
Le 1èr accord signé à Paris le 20 juillet 1901 concernant l’établissement de postes de garde et de douane marocains et français entre Figuig et un point situé à 15 Km au Nord d’Igli.
Le second accord signé à Alger le 20 avril 1902 portant sur le développement des transactions commerciales dans les régions limitrophes par l’établissement de marchés mixtes.
Ces accords définis comme «portant application et exécution du traité de 1845» ne mentionnent aucune modification au dit traité (de Lalla Maghnia) qui reste le seul acte international en ce qui concerne les frontières algéro-marocaines orientales.
En effet, l’article 1ère de l’accord de 1902 dispose que «le gouvernement cherifien consolidera dans l’étendue de son territoire depuis l’embouche de Oued Kiss et Teniet es-Sassi jusqu’à Figuig son autorité Makhzenienne».
L’accord de 4 Mars 1910 le confirme de façon explicite aussi dans son article 1er: «les deux gouvernements considèrent tout d’abord que le régime à réaliser dans la zone frontalière repose sur les arrangements antérieurs conclus entre eux à ce sujet …».
Or le Sahara marocain a été partagé entre la France et l’Espagne par la convention de 27 juin 1900 puis les accords secrets de 1902 et 1904. En fixant leurs zones d’influence méridionales. Le processus d’amputation va continuer par des décisions françaises unilatérales.
Ce sont bien des lignes qui sont tracées, au demeurant de nature variée, puisqu’elles sont pour les unes liées simplement aux parallèles, et aux méridiens (dans les conventions franco-espagnoles de 1900, 1904, 1912), pour les autres des fleuves ou des crêtes (1904, 1912). La part respective de ces types de ligne diffère évidemment du sud au nord. Sans doute l’on admettra facilement ici le caractère nettement «artificiel» (par rapport au pays) de ces limites. Elles n’en sont pas moins déterminées par une succession de lieux.
L’altération du critère ne tient pas seulement, du reste, au caractère de ces frontières. Le plus important est ailleurs. D’une part se sont des modalités de type africain qui refluent, par l’intermédiaire du traité de 1900, vers le nord-ouest. La convention de 1900, d’ailleurs, fixe aussi les limites entre possessions françaises et espagnoles sur la côte du Golf de Guinée. Le Maroc est donc pris dans un réseau de délimitations général à l’Afrique. D’autre part, s’il est vrai que le démembrement entraîne la constitution de frontières (puisque par définition les pièces issues du morcellement doivent s’ajuster les unes aux autres selon les lignes de fixation), l’idée même de frontière, au sens précis du mot, est désormais secondaire par rapport à l’enjeu. Elle exprime seulement la partie visible prise pour le tout. Naguère le Makhzen pouvait encore discuter, conclure des conventions: menacé dans ses marches, dans ses confins, le Maroc était encore reconnu comme Etat. Désormais il est menacé dans son existence et dans sa souveraineté tout entière. C’est une évolution vers le protectorat. En même temps, par l’internationalisation croissante de la question marocaine, les centres de décision sont désormais à Londres, à Madrid, à Paris. Et lorsque l’Espagne et la France s’attribuent leurs zones respectives, en fait ce sont de nouvelles lignes de contiguïté qui surgissent entre elles ex nihilo; elles ne font qu’inventer un autre axe de voisinage, cette fois donc en terrain neuf, et par la fiction ancienne de délimitation.
Sans doute paraîtra-t-il paradoxal de vouloir conclure, dans les années 1900-1912, par deux séries de tentatives si lointaines par leurs effets: la Moulouya et le Sahara espagnol. Le paradoxe n’est qu’apparent. Il est possible en effet que la question frontalière en Afrique du Nord soit trop fréquemment perçue, rétrospectivement, rétroactivement, à travers les seuls conflits sahariens. Mais, en perspective historique, les enjeux sont nés et se sont localisés à toutes les latitudes, et parfois simultanément. Vers 1900 l’axe Moulouya-Guir-Touat, le Rif compte plus que le Sahara Marocain. Or de ces frontières, à un moment donné, nul ne peut prédire ce qu’il adviendra. Certaines dépérissent, d’autres se durcissent. Mais ni le savoir ni le pouvoir ne déterminent a priori les frontières mortes et les frontières de tension.
3) Décisions unilatérales de la France
Pendant le protectorat, le Maroc était dans l’impossibilité de soulever le problème de ses frontières. La France procéderait donc à l’amputation du territoire marocain, à sa guise, au profit de l’Algérie par des actes unilatéraux.
Du Téniet es-Sassi au parallèle de Taouz, dans l'Hamada du Guir, au sud de Colomb-Béchar, la limite de compétence administrative a été fixée par le général Varnier le 14 janvier 1912. Elle a été reconnue officiellement par un dahir du sultan de 1928! Plus au sud, le problème se complique: le traité de Lalla Marnia précise que, «dans le Sahara, il n'y a pas de limites territoriales, puisque la terre ne se laboure pas». Les Français n'ont jamais cherché une solution politique à un problème si délicat, ce se sont contentés de suivre des règles administratives. Du parallèle de Taouz jusqu'à la frontière avec la zone de Tarfaya, à la jonction entre la méridien 11 et l'Oued Draa, «l'usage administratif» est de suivre la ligne Trinquet, qui a été établie par le commandant des confins dans une lettre de 1938 adressée au commandement des troupes marocaines. La ligne Trinquet tient compte de la limite extrême de nomadisation des tribus marocaines, mais avec une vision très septentrionale de cette limite…lle n'a jamais été reconnue officiellement.
Juste avant l'indépendance marocaine, le tracé de la frontière algéro-marocaine est réglé dans l'urgence d'une manière toute militaire. En février 1956, le général Quénard, inspecteur des territoires du Sud, propose de ne plus suivre la ligne Trinquet! Il la juge trop avantageuse pour Rabat, trop méridionale…Surtout, elle coupe la route entre Tindouf et Colomb-Béchar, et elle ne protège pas assez les ressources minières. Elle traverse même le périmètre de sécurité du Centre interarmées d'essai des engins spéciaux de Colomb-Béchar. Quénard propose une solution «modérée», qui tiendrait compte des besoins de l'Algérie, donc de la France: la frontière devrait suivre les hauteurs de la rive gauche du Draa, jusqu'au sud de Tagounit, et continuer jusqu'à la ligne Varnier à l'ouest de Colomb-Béchar, en laissant la route et le centre d'essais côté algérien. Le ministère de la Défense se rallie rapidement à cette option. En juillet 1956, le ministre des Affaires étrangères demande à l'ambassade de Rabat de ne plus utiliser les cartes qui suivent la ligne Trinquet. Le ministre de la Défense, Maurice Bourgès-Maunoury, demande officiellement au directeur de l'Institut géographique national d'arrêter la distribution et la vente des cartes reprenant le tracé de la ligne Trinquet, et de supprimer, sur les nouvelles cartes, tout tracé de frontières dans cette zone. La belle géographie que voilà, au service de la géopolitique et des intérêts de la France! Sur le terrain, les militaires français choisissent eux-mêmes une ligne de «répartition des compétences», avalisée en décembre 1956 par le commandement du Maroc et en avril 1957 par celui de l'Algérie. Cette «limite effective des compétences territoriales de la France et du Maroc dans les confins sahariens» correspond à peu près à la ligne Quénard.
Les frontières plus au sud entre les territoires français et le Sahara espagnol ne sont pas beaucoup plus claires. Elles existent, mais seulement sur les cartes! Elles ont été tracées d'une manière très géométrique lors des traités adoptés.
A noter, que ces lignes sont le résultat de décisions unilatérales c’est la raison pour laquelle leurs tracés ne pouvaient affecter l’intégrité du territoire national sans le consentement du Maroc, ni légitimer les faits accomplis au regard du droit international. Cependant leurs effets demeurent pressant après le départ des colonisateurs.
II) Délimitation postcoloniale et persistance de rivalité sur le Sahara
Certes, les tracés coloniaux manquaient de précisons. Dans le traité de Lalla Marnia, les négociateurs estimèrent que dans le Sahara, il n’y a pas de limite territoriale à établir entre les deux pays, puisque la terre ne se laboure pas et qu’elle est seulement de pacage. C’est pour ses raisons que le Maroc et l’Algérie ont procédé à la conclusion des accords portant sur la délimitation définitive des frontières parce que leur enjeu central est d’obtenir la démarcation de la frontière entre Figuig et Tindouf. Mais, sitôt que l’affaire du Sahara émergeait, les deux Etats sont engagés dans des rivalités à nos jours.
A) Accords conclus entre le Maroc et l’Algérie
Depuis l’indépendance, les frontières tracées par les puissances coloniales et les partages opérés par celles-ci ont été à l’origine de contestations entre le Maroc et l’Algérie. Afin de mettre fin à ces différends, les deux pays ont conclu trois accords: l’accord de juillet 1961, et les Accords de 1969 et 1972.
1) Accord du 6 juillet 1961
Le tracé frontalier dans la région de Figuig, l'absence de convention fixant la frontière au sud du col de Teniet es-Sassi et le rattachement de toute la zone sud à l'Algérie à partir de 1934, sont à l'origine de la revendication marocaine qui concerne «toute la région située au nord de Tindouf et de Tabelbala, c'est-à-dire une zone située depuis le 30° Nord de Guir, jusqu'au territoire mauritanien». Il s'agit en fait d'une bande de terres le long du Drâa. Les sultans avaient protesté plusieurs fois des grignotages effectués par l'administration française.
A l’aube de l’indépendance, les autorités françaises ont proposé à SM le Roi Mohammed 5 de fixer le tracé des frontières dans les confins sahariens afin d’éviter toute contestation ultérieure. Elles se sont même déclarées prêtes à inclure la région de Tindouf et le Hamada du Draa dans le territoire marocain.
Le Roi leur a opposé un refus catégorique car à ses yeux la question relève exclusivement du Maroc et de l’Algérie donc elle doit être réglée d’un commun accord entre pays frères. Agir autrement c’est donner un coup de poignard dans le dos de nos frères algériens.
Or une fois indépendante, l’Algérie se posera en héritière territoriale de la France refusant de reconnaître la réalité car à ses yeux «les autorités marocaines escomptait des modifications avantageuses à leur profit après l’indépendance de l’Algérie et cela particulièrement à la suite d’un accord arraché au président du Gouvernement provisoire de la république algérienne (GPRA) le 5 Juillet 1961…» en vertu du quel:
«De ce fait, le Gouvernement provisoire de la république algérienne réaffirme que les accords qui pourront intervenir à la suite des négociations franco-algériennes ne sauraient être opposables au Maroc quant aux délimitations territoriales algéro-marocaines».
Cela signifie que les dispositions qui seront prises entre la France et le GPRA, notamment dans les questions de délimitations frontalières ne pourront servir de base à un refus algérien quant aux revendications marocaines. Les deux gouvernements décident d'ailleurs la création d’une commission algéro-marocaine pour procéder à l'étude et à la solution de ce problème dans un esprit de fraternité et d'unité "nord africaine".
Mais le gouvernement de l'Algérie indépendante n'est pas disposé à reconnaître l'esprit de cet accord. En effet, en mars 1963, lors de sa visite officielle à Alger, Feu SM Hassan 2 reçoit du président algérien Ahmed Ben Bella l'assurance que la question des frontières sera étudiée rapidement. Mais à son retour de nombreux marocains sont expulsés d'Algérie. La tension monte très rapidement et des affrontements ont lieu au cours du mois octobre dans la région de Tindouf. Une guerre larvée commence.
Cette attitude a conduit au déclenchement du conflit frontalier du 8 octobre 1963 (la guerre des sables). Ce différend a trouvé une solution avec la signature de la trêve Bamako (novembre 1963) suivie par d’autres traités signés entre les parties en la matière.
2) Accords de 1969 et 1972
Après le conflit d’octobre 1963, le Maroc joue une partie difficile dans le domaine diplomatique à Addis-Abeba. En effet, les pays africains, représentant les groupes de Casablanca (progressistes) et de Monrovia (modérés) se réunissent sous la houlette du Négus Hailé Séilassie dans la capitale Éthiopienne. Ils adoptent une Charte créant l'organisation de l'Unité africaine. Le président mauritanien Mokhtar Ould Daddah étant présent, le souverain du Maroc ne participe pas à la conférence des chefs d'Etat et ne signe pas la Charte. En effet, celle-ci dans son article 3, paragraphe 3 prévoit: «le respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de chaque Etat et son droit inaliénable à une existence indépendante» ce qui se traduit par le principe de l'uti possidetis juris c'est-à-dire le respect des frontières héritées de la décolonisation.
Le Maroc émet une réserve à cet article lorsqu'il adhère à la Charte en septembre 1963: «Le gouvernement de Sa Majesté n'entend renoncer d'aucune façon à ses droits légitimes dans la réalisation pacifique de l'intégrité territoriale du royaume dans ses frontières authentiques». Cela signifie que le Maroc, en souscrivant à la Charte, n'entend aucunement renoncer à la poursuite de la réalisation de son intégrité territoriale.
C’est dans le cadre que fut signé le traité d’Ifrane de fraternité, de bon voisinage et de coopération, le 15 janvier 1969. Ainsi les deux pays ont franchi une étape capitale dans leurs relations bilatérales:
Pour Bâtir «une paix permanente, une amitié solide et un voisinage fructueux les parties ont mis «un gel provisoire du contentieux frontalier» (article VIII, 20 ans renouvelable) pour se focaliser sur la coopération économique et culturelle (articles II et III) et «en cas de litige…les parties contractantes s’interdisent de recourir à l’emploi de la violence entre elles et s’emploieront à régler leur différend par les moyens pacifiques…» (Articles IV).
Pour consolider d’avantage cette coopération les parties ont conclu au sommet africain de Rabat l’Accord frontalier tant attendu le 15 juillet 1972 en vertu duquel les parties acceptent d’exploiter en commun le gisement de fer de Gar-Djeblet en contre partie de l’abandon des revendications marocaines sur la région de Tindouf et Béchar qui restent en territoire algérien.
Cet accord, signé par le Roi, n'a jamais été ratifié par le Parlement marocain puisqu’il implique implicitement la reconnaissance du Maroc du principe de «l’uti possidetis» tant contesté par les marocains.
Trois ans après la conclusion de l’accord de Rabat, le Maroc va donc entreprendre une récupération pacifique du Sahara en dirigeant une «marche verte» en février 1975. Le contexte de la fin de pouvoir du général Franco va précipiter les événements. Le 14 novembres 1975, l'Espagne signait avec le Maroc et la Mauritanie un accord tripartite par lequel elle déclarait abandonner le Sahara Marocain aux deux pays et s'en retirer officiellement en février 1976.
Après un bref semblant de caution algérienne à l'accord de Madrid, on assiste à une volte à face du gouvernement Boumediene. Le dossier saharien va prendre une dimension régionale et interafricaine car l'Algérie apparaît décidée à faire échec aux stipulations de l'accord de Madrid qui avait bousculé un fragile équilibre nord africain.
B) Persistance de rivalité entre les deux pays
L’imprécision coloniale ne peut plus être invoquée depuis la conclusion de l’accord frontalier de 1972, puisqu’un tracé cartographié a été agréé. La question n’est plus technique mais politique. Un double déni de légitimité est formulé, les Algériens s’inquiètent des effets en retour d’un succès marocain occidental et les marocains n’ayant pas encore renoncé définitivement à exciper de certains droits historiques, sur la moitié ouest du Sahara.
Pour l’essentiel, l’argumentation marocaine s’appuie sur la notion de droits historiques: en se référant à une plus longue durée, elle envisage des espaces plus vastes.
Les dirigeants marocains évoquent un Maroc perdu au moment de la période coloniale. Si Lyautey «l’algérien» et haut-commissaire aux confins a poussé la présence française en direction de la Moulouya, puis du Touat, du Tidikl et même du Tafilalt, Lyautey devenu le marocain en 1912 agit en direction inverse, au nom du régionalisme colonial: il revendiqua un droit de poursuite en Algérie depuis le Maroc et freina les ambitions du lobby des députés algériens qui voulaient prolonger le chemin de fer Oran-Béchar vers le Tafilalt (qui nul ne l’ignore, est le berceau des chorfa alaouites, de la dynastie marocaine). L’influence marocaine était dominante au moins jusqu’au Touat, dont les oasis étaient reliées par l’une des grandes pistes caravanières venant de Sijilmassa.
La thèse officielle marocaine au sujet de Tindouf: «Tindouf faisait partie intégrante du territoire marocain jusqu’au début des années 1950, puisque, lors des cérémonies de l’Aïd-el-Kébir et de l’Aïd- el-Séghir, le pacha de cette ville, je l’ai vu de mes propres yeux, venait faire allégeance devant mon père. Mais, lorsque nous sommes partis en exil (août 1953), Tindouf, entre autres, nous a été enlevée pour être rattachée à l’Algérie. C’est que la France pensait que l’Algérie ne serait jamais indépendante», relate Feu SM Hassan 2, 27 novembre 1985, qui parle ensuite de sa stratégie de «remembrement morceau par morceau» (les autres morceaux étant Ifni, Tarfaya, les présides et les îles de la côte nord, et sans doute plus encore).
Toutefois, on voit aisément, car le cas n’est pas unique, que ce sont les contradictions inhérentes aux multiples stratégies coloniales et les indéfinitions qui ont fait problème dans le cas de la limite avec l’Algérie. Le fait que l’on est parlé de confins est un élément de preuve.
De telles références historiques, quelle que soit leur validité (l’administration à longue distance fut de courte durée), n’importent que parce qu’on les réactualise en leur attribuant une fonction géopolitique. Ce qui compte est qu’un tel programme ait été adopté par SM le Roi Mohammed 5 en 1958 avec son discours du 25 février prononcé symboliquement à Mhamid Lghizlane, qui est la dernière oasis accessible par la route dans la haute Vallée du Draa, à 94 km au sud de Zagora! D’où le refus de négocier tant avec De Gaulle (selon Feu SM Hassan 2) qu’avec les dirigeants mauritaniens; ce nouvel Etat ne fut d’ailleurs reconnu par le Maroc que 9 ans plus tard; d’où enfin la «guerre des sables» avec l’Algérie à peine indépendante, en 1963. C’est sur la base de la manipulation d’une même représentation que fut lancée à partir de 1975 la fameuse marche verte marocaine sur l’ex-Sahara espagnol (avec 350 000 participants).
Bref, au-delà des différences de régime et… d’humeur, les deux Etats ne sont pas encore parvenus à démarquer leur frontière, chacun se référant à des critères de légitimité pris à des périodes différentes de leur histoire: droits historiques contre tracés coloniaux.
A propos du Sahara, La difficile résolution de ce conflit est due à sa triple composante: un conflit de souveraineté, un conflit lié a la lutte pour l’hégémonie de l'Afrique du Nord et un conflit typique de l’époque de la guerre froide. Il constitue la pierre angulaire des tensions actuelles, la fermeture de la frontière entre les deux pays depuis 1994, l’échec de l’Union du Maghreb Arabe (UMA), la course aux armements, la décision du Maroc de quitter l’Organisation de l'unité Africaine (OUA) et son refus de siéger à l’Union africaine lui sont en grande partie imputables. De telles implications illustrent bien le niveau de blocage atteint par la situation qui mine toute tentative de développement et de sécurisation commune.
La gestion de ce contentieux par le droit international s’est avérée insuffisante et impuissante dans la mesure où les fondements juridiques qui ont présidé aux propositions de règlement n’ont pas évolué. Ce décalage explique les échecs successifs des plans de l’ONU qui, s’ils ont permis un cessez-le-feu garanti par les casques bleus depuis 1991, n’ont pas résolu le conflit. Dès 2000, Kofi Annan, alors Secrétaire Général des Nations Unies, déclarait qu’il faudrait se préparer «à étudier d'autres moyens [que le référendum] de parvenir à un règlement rapide, durable et concerté» du conflit. Car la tenue d’un référendum dans les conditions actuelles n'est pas envisageable: il n’existe toujours pas de consensus sur la constitution des listes électorales, l’ONU n’a aucun moyen d’imposer le référendum au Maroc, et le verrouillage politique et idéologique appliqué dans les camps de réfugiés laisse peu d’espoir quant à une autodétermination sans contrainte et en toute connaissance de cause de la part des Sahraouis. En 2004, le Ministre des Affaires Étrangères espagnol, Miguel Angel Moratinos, considérait que «dans les circonstances actuelles, un référendum sans solution politique préalable pourrait conduire à une situation de crise généralisée en Afrique du Nord». Cette analyse reste d’actualité: sans accord politique entre les protagonistes, la règle de droit, inapplicable seule, ne suffira pas à sortir de l’impasse.
Par le passé, les deux acteurs principaux, l’Algérie et le Maroc, ont en effet longtemps campé sur des positions de principe:
Au Maroc, le maintien des Provinces du Sud renvoie au principe fondamental d’intégrité territoriale; le Royaume ne peut donc consentir à une amputation conséquente de son territoire.
Pour l’Algérie, l’attachement aux principes d’auto-détermination et de liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes s’accompagne d’un intérêt géoéconomique majeur que constituerait une voie d’accès sur l’Atlantique pour l’exportation du gaz et du fer du Sahara sous souveraineté algérienne, et la nécessité de demeurer cohérent avec un discours qui n'a pas évolué depuis.
Dans les deux États, le conflit saharien s’inscrit aussi dans le cadre d’une course pour le leadership régional, où le Maroc veut se projeter en leader économique dynamique, et l’Algérie en puissance gazière.
Or cette situation génère un coût considérable en termes économiques, humains, politiques et sécuritaires, et entrave l’établissement d’une véritable sécurité durable dans la région.
Pour toute l'Afrique du Nord, le dossier du Sahara Marocain rend impossible l’intégration, limite les investissements étrangers et entretient une atmosphère de suspicion et de défiance entre les acteurs. En outre, l’enlisement constitue un risque préoccupant de balkanisation de la région: les trafics de cigarettes, drogues, armes ou essence se développent fortement dans cette zone qui comprend l’extrême sud-est du Sahara Marocain, le nord de la Mauritanie et le sud-ouest algérien, et dont certaines sous-régions sont difficilement gouvernables, alors que les tensions liées au conflit rendent là encore impossible une coopération raisonnée en matière de sécurité.
Le conflit a également un coût financier et en termes de crédibilité important pour la Communauté internationale, qui maintient la force d’intervention de la MINURSO sur place pour un budget de 35 millions d’euros par an, sans résultat probant depuis bientôt vingt ans.
Par conséquent, seule une solution politique négociée, englobant l’ensemble des problématiques liées au conflit, et dans laquelle aucun acteur ne perdrait la face semble à même de débloquer la situation. La proposition marocaine d’un Plan d’autonomie pour la région du Sahara Marocain, présentée au Secrétaire Général de l’ONU en 2007 est à ce titre une alternative crédible au gel des positions de principe évoquées plus haut. Certains, comme le porte-parole du Département d’État américain en 2008 ont même été jusqu’à déclarer qu’un État Sahraoui indépendant ne pouvait être considéré comme «une option réaliste»; l’ancien représentant spécial du Secrétaire Général de l’ONU pour le Sahara Marocain, Peter van Walsum, considère quant à lui qu’il ne s’agit pas d’un «objectif accessible». Il est en tout cas certain que la sécurité de la zone ne peut admettre un failed state, surtout si ce dernier sert de nouvel alibi pour renforcer les crispations et le maintien sous tutelle des sociétés nord africaines. C’est dans cette optique que le Secrétaire général de l’ONU a insisté sur «la nécessité primordiale de traiter le conflit du Sahara Marocain dans le cadre d’une stratégie plus large pour le Sahel. Car il s’agit d’abord et surtout d’un conflit nord-africain. Je suis convaincu que l’intégration régionale, notamment grâce au renforcement de l’Union arabe du Maghreb, est un élément clef pour surmonter l’instabilité actuelle et récolter d’importants dividendes économiques, commerciaux et sociaux. J’ai bon espoir que les progrès sur ce front aideront à renforcer la confiance entre les parties et fourniront un contexte propice au règlement du conflit sahraoui».
En attendant un règlement définitif des tensions internes en Afrique du Nord, on doit constater que les différentes frontières non encore démarquées relèvent de la catégorie des «lignes de front».
Paragraphe II) Délimitation des frontières Maritimes Marocaines
Le Maroc, indépendant en 1956, ne disposait même pas d'un véritable prolongement de souveraineté en mer, les autorités du Protectorat s'étant contentées d'une mer territoriale de 6 milles au large des côtes marocaines mais «au point de vue de la pêche» seulement et dans le but d'imposer aux utilisateurs le paiement d'une licence. Le Maroc devait cependant se familiariser rapidement avec les problèmes maritimes en participant à la première conférence des Nations-Unies sur le droit de la mer en 1958.
L'impact de cette œuvre de codification du droit international de la mer n'a pas manqué de se faire sentir rapidement au niveau de la législation nationale. La définition des frontières maritimes sur la mer méditerranéenne (I) et atlantique (II) était définie, unilatéralement, par plusieurs Dahirs inspirés de la législation internationale sur le droit de la mer.
I) Délimitation des frontières maritimes sur la méditerranée
Bien que le Maroc et l’Espagne avait signé en juillet 1991 un traité d’amitié et de bon voisinage, par lequel les deux parties sont persuadées que l’entente réciproque et la coopération entre les deux royaumes sont la garantie indispensable de la paix, de la stabilité de la sécurité de cette région et le meilleur moyen de servir les objectifs de progrès et de développement des deux peuples, la délimitation des espaces maritimes n’a pas trouvé un règlement; en effet la présence espagnole sur les côtes du Maroc continue aujourd’hui à travers pas moins de 11 colonies dans ce sens il est important de rappeler les données historiques de ces colonies puis les revendications marocaines.
A) Aspect historique
Depuis leur occupation jusqu'à la moitié du XIXe siècle, les présides espagnols en terre marocaine, autant Ceuta et Melilla que les îlots méditerranéens - Pénon de Vêlez (Badis), Pénon d'Alhucemas (Nokour) et les îles Jaafarines - n'avaient été des siècles durant que de bien piètres conquêtes, «un pis aller . . . prolongée hors de saison».
Aux alentours des années 1850, l'attitude des Espagnols à l'égard de leurs possessions marocaines va tendre à évoluer. Un début de réflexion est entamé dans les milieux gouvernementaux sur la nécessité de faire jouer aux présides un rôle différent de celui auquel l'Espagne les avait voués jusqu'alors. Le temps est venu, a-t-on commencé de penser, de convertir ces colonies pénitentiaires que sont Ceuta et Melilla en «dépôts de commerce européen avec le Maroc».
En 1856, la Grande-Bretagne, grâce à l'opiniâtreté de son consul à Tanger, John Drummond Hay, avait fini par arracher au Makhzen de Moulay Abderrahmane un traité global assorti d'une convention de commerce et de navigation qui ouvrait littéralement le Maroc aux produits de la Grande-Bretagne, promue au rang de «la nation la plus favorisée». Ce «traité de Nankin du Maroc», amené à régir pour près d'un demi-siècle les rapports extérieurs du Maroc avec l'Europe, est pour les Espagnols comme le signe d'une évolution sur laquelle ils sentent n'avoir plus prise. D'autant que la Grande-Bretagne pour les Espagnols, c'est de surcroît Gibraltar qui, non contente d'inonder la péninsule de ses produits de contrebande, monopolise depuis longtemps le trafic avec les ports marocains. Enfin, la France ne cesse de progresser politiquement et commercialement au Maroc, notamment depuis sa victoire à Isly en 1844.
Les faiblesses économiques de l’Espagne devant les puissances de l’époque l’ont incité de transformer les présides en atouts. A quelques conditions près, si quelques obstacles étaient levés, Ceuta, Melilla et les îlots pourraient se métamorphoser en autant d'entrepôts de commerce avec le Maroc, rééquilibrer ainsi au bénéfice des producteurs espagnols le rapport de force commercial, contrebalancer le monopole de Gibraltar dans le trafic avec les ports marocains, permettre à l'influence espagnole de rayonner et servir le moment venu - pourquoi pas, on y pense déjà en Espagne - de têtes de pont à une pénétration politique et territoriale du pays.
Afin de matérialiser ces ambitions, l'Espagne a d'abord essayé par la pression diplomatique, puis l’utilisation de la force (guerre) au Maroc. Jeu diplomatique et pressions militaires vont alternait sept années durant, de 1859 à 1866, mais il faudra à l'Espagne une vraie guerre, deux traités et quelques conventions pour imposer aux sultans, Moulay Abderrahman puis Sidi-Mohammed, ces quatre concessions majeures.
La guerre est pour la classe politique l'exutoire opportun de toutes les difficultés économiques et de tous les spasmes politiques intérieurs; elle est pour l'Espagne l'occasion d'affirmer un poids et une présence face aux puissances rivales. Le conflit durera près de cinq mois, de fin octobre 1859 à fin mars 1860.
Un traité de paix est imposé au Maroc, qui sera signé le 16 avril 1860. Entre autres concessions, le traité étend à Ceuta l'ensemble des privilèges arrachés sur Melilla par la convention d'août 1859. Après Melilla, Ceuta acquiert son espace vital, théoriquement dans les mêmes termes, c'est-à-dire «jusqu'aux lieux les plus convenables pour la sûreté et la défense complète de sa garnison». Pratiquement, l'espace intégré à Ceuta «en pleine souveraineté et possession» est sensiblement plus étendu que celui arraché aux Guélaïa autour de Melilla; sans pour autant englober Belyounech, il s'étend en arc de cercle de la baie de Handag-Rahma sur la côte septentrionale de Ceuta jusqu'au ravin d'Anjera. Là aussi, un terrain neutre est prévu ainsi qu'un caïd ou gouverneur Makhzenien chargé de contenir l'hostilité des tribus. Le sultan s'engage en outre à ratifier la convention sur Melilla dont les dispositions n'ont toujours pas été appliquées et autorise l'Espagne à élever autour des présides toutes les fortifications qu'elle jugera nécessaires à leur défense. Enfin et surtout, le sultan promet à l'Espagne la conclusion, dans un délai rapproché, d'un traité de commerce lui consentant tous les avantages accordés à la nation la plus favorisée.
Après vingt et un ans de harcèlement diplomatique, les espagnols imposaient au nouveau Roi Moulay El Hassan la signature d'une nouvelle convention sur la frontière (19 avril 1891); une convention de plus pour tenter de rendre «enfin» définitive la délimitation du 26 juin 1862.
S’agissant des deux villes marocaines Ceuta et Melilla bien que le tracté de paix entre le Maroc et l’Espagne signé le 26 avril 1860 dispose que «le roi du Maroc cède à la reine d’Espagne pour le posséder en pleine souveraineté tout le territoire compris depuis la mer» et encore le traité du 24 avril 1859 qui dispose que «le roi du Maroc convient de céder à SM catholique la possession et la plein souveraineté du territoire rapproché de la place espagnole de Melilla».
Actuellement, Melilla et les îles sont, Administrativement, rattachées à Malaga tandis que la ville de Ceuta après avoir été rattachée a Cadix cette préside a obtenu en 1995 le statut de la ville autonome, cette ville est également incluse dans l’union européenne, avant l’entrée de l’Espagne de ce qui était alors la Communauté Européenne en 1986 la ville avait le statut de port franc.
Concernant les autres îles laila, Nkor, Badis, Chafarinas et Alboran:
-Île de Nkor à Al Hoceima, elle est située à 300m du club Med de la ville Al Hoceima d’une superficie de 15H 70m, sa colonisation remontée à 1673 et elle est administrativement rattachée à Melilla.
-Île de Badis d’une superficie de 1,9 H, elle fait partie du cercle de Bani Boufrah de la province D’Al Hoceima et elle est incluse dans les eaux territoriales marocaines sa colonisation remonte à 1508, elle est rattachée administrativement à Melilla.
-Île Chafarinas, là il s’agit de 3 îles d’une superficie de 52 H située à 3,5 Km du village Marocain Ras Almaa:
1-Île de congrès, superficie de 22,5 H 900m administrativement les îles Chafarinas sont rattachées à Melilia.
2-Île d’Isabelle II superficie de 15,9 H.
3-Île du Roi Francisco d'une superficie de 12,7 H,
La colonisation des îles Chafarinas remonte à 1859, administrativement les îles Chafarinas sont rattachées à Melilia.
-Île d’Alboran est située entre l’Espagne et le Maroc à 50 Km des côtes Marocaines d’une superficie plate de 600 m de long et 200 m de large son occupation date du XV siècle, elle est utilisée comme une base militaire espagnole.
-Île Leila est estimé à 13,5 h. Elle se situe au pied du Mont Moussa à 200 m du terne ferme, d’une superficie de 13. 5 H, le rochet de Leila qui ne figure sur aucune carte n’appartient administrativement à aucune communauté espagnole, mais le gouvernement d’Aznar estime que le rocher est rattaché à Ceuta.
B) Revendication marocaine des espaces maritimes
Depuis 1956, les relations entre l'Espagne et le Maroc ont été marquées par des périodes de tension parfois grave et des périodes de détente, auxquelles l'existence d'enclaves espagnoles au Maroc n'est pas toujours étrangère.
En avril 1956, lors de la reconnaissance de l'indépendance marocaine par l'Espagne, la situation juridique des présides n'est pas remise en cause et le problème plus général des enclaves semble être passé sous silence. Toutefois, dès cette époque, les délégués marocains aux diverses conférences afro-asiatiques ou nord-africaines commencent à réclamer l'indépendance et l'intégrité du Maroc «dans ses limites nationales», ce qui laisse entrevoir de futures revendications marocaines sur les territoires contrôlés par l'Espagne.
Le déclenchement de ses revendications était l’île de Leila, le statut juridique de cette île est peut-être l'un du plus controversé en mer Méditerranée, et c'est toujours un point potentiel de conflit. La commande de ce territoire a causé beaucoup de confrontations à travers l’histoire; cependant, une dispute était allumée le 11 juillet 2002, quand un groupe de militaires marocains a pris le contrôle de l'îlot. Cette action a mené à une plainte officielle par le bureau d'information diplomatique du Ministère des Affaires Étrangères espagnol; en outre, les militaires espagnols ont intervenu afin de les écarter. Cette situation a causé une crise bilatérale, la soi-disant crise de Leila, qui a menacé la sécurité dans l'ensemble de la mer Méditerranée. Cette crise a fini après l'intervention du secrétaire d’Etat américain, Colin Powell, qui a envoyé des lettres aux ministres des affaires étrangères de l'Espagne et du Maroc, afin de reprendre et de maintenir le statu quo existant avant juillet 2002.
Dans la pratique, il y a une situation de l'incertitude et même du conflit potentiel: selon l'Espagne, cette île se trouve dans ses eaux juridictionnelles, tandis que selon le Maroc, l’île est situé, depuis la fin du protectorat espagnol, sur la zone nord du Royaume en 1956, au pied du Mont Moussa à moins de 200 m de la terre ferme donc elle est incluse dans les eaux territoriales marocaines telle qu’elle a été délimitée par le décret 275-311 du 21/07/1975 déterminant les lignes de fermeture de baie sur les côtes Marocaines et les coordonnées géographiques de la limite des eaux territoriales du Royaume du Maroc (voir décret en annexe) ce qui signifie que cette île relève de la souveraineté Marocaine, et que le Maroc, en vertu de la législation nationale sur les espaces maritimes et conformément au régime juridique prévu par la coutume et le droit international public pour les eau intérieures y exercer la plénitude et l’exclusivité de ses compétence territoriales.
De plus, le décret espagnol n° 267/1976 du 5/03/1976 relatif à la délimitation des espaces maritime espagnoles en méditerranée ne fait aucune référence à l’îlot Persil en tant que territoire espagnol sur le littoral méditerranéen du Maroc.
Et il convient aussi de noter que la loi organique du statut d’autonomie de Ceuta de 13/3/1995, en vigueur n’y fait aucune référence.
En contre partie, le Maroc ait étendu à 200 milles marins sa souveraineté sur les côtes marocaines, et ce en vertu de la loi: 1-81 instituant, unilatéralement, une zone économique exclusive de 200 milles à l’effet d’explorer d’exploiter et de gérer les ressources naturelles et d’autres.
Donc l’île Leila est considérée comme partie intégrante du territoire Marocain, et administrativement elle dépend du caïdat de Taghramt cercle de Jbala.
Aussi les îles Chafarinas sont incluses dans les eaux territoriales Marocains telle qu’elles ont été de limitées par le décret 275-311 du 21/07/1975 donc elles relèvent de la souveraineté Marocaine.
II) Délimitation des espaces maritimes sur l’Atlantique
Vers un traçage des frontières maritime, le Maroc a mis en place, dernièrement, une commission provisoire pour la délimitation du plateau continental, d’une part avec la Mauritanie, dont l’accord frontalier conclue entre les parties (A), le 14 avril 1976, est devenue caduc, d’autre part avec les îles Canaries (Espagne) et les îles Madères (Portugal) (B). Les travaux de cette mission seront focalisés sur les aspects scientifiques, techniques et juridiques du projet d’extension du plateau continental marocain.
A) Frontières maritimes maroco-mauritanienne
Outre qu'elle ne paraît pas avoir été effective et qu'elle n'a jamais fait l'objet d'une ratification, la frontière entre la Mauritanie et le Maroc, établie par voie d'accord le 14 avril 1976, possède deux particularités tout à fait exceptionnelles, sinon uniques en matière maritime; cet accord délimite à la fois la totalité des espaces terrestres et celle du plateau continental, un seul autre rare cas similaire que nous connaissions étant la délimitation entre Dubaï et Sharjah, avant que ces émirats ne se joignent aux Émirats arabes unis.
Sont évoqués, dans le préambule de l'accord de délimitation de ces frontières synchrones (terrestre et maritime), deux actes juridiques importants - l'avis consultatif du 16 octobre 1975 émis par la Cour Internationale de Justice, de même que l'accord de Madrid du 14 novembre de la même année - qui fondèrent le Maroc et la Mauritanie à recouvrer le Sahara Marocain, un territoire désertique de 275 000 km2, très riche en phosphate et baigné par plus de 1 000 km de côtes au large desquelles se trouve une des plus importantes concentrations de ressources halieutiques, encore que la navigation y soit difficile et les ports peu nombreux.
L'avis consultatif reconnaissait l'existence de liens juridiques d'allégeance entre le roi du Maroc et certaines tribus vivant au Sahara Marocain, de même que l'existence de droits -y compris des droits relatifs à la terre -constituant des liens juridiques avec la Mauritanie, mais la Cour précisait par ailleurs que «les éléments et renseignements portés à sa connaissance n 'établissent l'existence d'aucun lien de souveraineté territoriale entre le territoire du Sahara Marocain d'une part, le Royaume du Maroc ou l'ensemble mauritanien d'autre part». Quelque temps plus tard, l'accord de Madrid transférait les responsabilités et les pouvoirs exercés jusque-là par l'Espagne à une administration provisoire et conjointe qui impliquait le Maroc et la Mauritanie.
À la faveur du retrait des forces coloniales espagnoles, l'ensemble du Sahara Marocain fut donc récupéré quelques jours plus tard par le Maroc au nord - dans une région appelée le Seguiet el Hamra - et par la Mauritanie au sud - dans le Tiris el Gharbia.
L'accord de délimitation décrit la frontière terrestre comme une ligne droite tracée du point d'intersection de la côte atlantique et du parallèle 24° N au point d'intersection du 23° N et du méridien 13° O. Quant à la frontière du plateau continental, elle est définie, sans plus de précision, comme étant la ligne du parallèle 24° N, aucun point terminal n'étant mentionné.
Cette frontière uni-fonctionnelle diverge considérablement, au profit du Maroc, d'une ligne hypothétique d'équidistance qui tiendrait compte de la présence des Canaries. Le Maroc réclamant une mer territoriale de 12 milles marins et la Mauritanie, avant 1988, de 70, la frontière aura été dissymétrique.
La Mauritanie, incapable de soutenir son effort de guerre contre les colonnes du Polisario, a renoncé, en août 1979, à ses revendications territoriales sur le Tiris el Gharbia annexé par le Maroc quelques jours plus tard. La frontière, aussi bien terrestre que maritime, s'est donc trouvée effacée.
B) Frontières maritimes Maroc/Îles Canaries
Les îles des canaries sont situées dans l’océan atlantique au large du Maroc, elles sont distantes de quelques 150 km des côtes Marocains et à plus de 1000 km de l’Espagne. Pour des raisons économiques et politiques, les canaries font partie de l’Espagne, elles ont été attribuées à l’Espagne en 1479 par le traité «Alcacovas» conclu entre le Portugal et l’Espagne.
Ces îles qui sont reconnus par l’union Africaine comme territoire africain occupés par une puissance étrangère se composent de 7 îles principales reparties en trois groupes: à l’Est: Lanzarote et Fuerteventura qui est plus proche des cotes Marocaines, au centre: grandes canaries, ténériffe et le Gomera, et à l’Ouest: Las Palmas et el Hierra.
Du fait que les îles des canaries sont des colonies Espagnoles, et qui sont proches des côtes Marocaines, et vu que le Maroc a le plein droit d’exercer sa souveraineté sur son espace maritime de la façade atlantique qui lui est reconnu par la convention des Nations Unies de Montego Bay de 1982, et qui s’étend sur 12 milles, cette zone est considérée comme partie intégrante du territoire national, jusqu’à 200 milles des côtes, l’Etats possède une zone économique exclusive dans la quelle, il a droit de gestion de ressources, et une plaque continentale sur lequel, le Maroc a droit d’explorer et d’exploiter les ressources de la plaque continentale et ce conformément à la loi n°1-81-du 8 avril 1981 instituant une zone économique exclusive de 200 milles ainsi qu’une zone contigüe.
Le Maroc n’a pas encore délimité son espace maritime avec le gouvernement des îles des canaries, malgré que les eaux entre le Maroc et l’Espagne et qui sont riches de gisement de pétroles constituent les enjeux de négociation entre les parties concernées.
Les parties semble éviter pour le moment de recourir à l’arbitrage de la cour international de la justice de la Haye et privilégie la voie diplomatique, toutefois les deux parties s’accusent.
L’Espagne reproche au Maroc de retarder la fixation des frontières maritimes à la table de négociation. En cas d’absence d’accord sur la délimitation maritime, l’Espagne considère que la ligne équidistante dans deux côtes qui doit prévaloir. Le Maroc quant à lui souligne qu’il faut également tenir en compte de la plaque continentale, dans ce dernier cas la ligne de partage passerait plus près des îles des canaries que des côtés Marocaines et du coup, à fin décembre 2001, la tension était à son comble. Par un décret royal, l’Espagne venait d’autoriser des prospections pétrolières offshores dans la région comprise entre les Iles Canaries et le littoral marocain. La réaction du Maroc n’a pas tardé à se manifester et le ministère des Affaires étrangères et de la Coopération s’est empressé d’adresser une note diplomatique aux autorités espagnoles. Dans cette lettre, le Maroc protestait contre un acte jugé «unilatéral, contestable et inamical», portant atteinte aux droits inhérents à la souveraineté marocaine sur son plateau continental.
Depuis, le Maroc réagit à chaque fois que les positions espagnoles ou portugaises s’exprimaient sur le sujet, rappelant les règles de droit international en ce sens. Ainsi, la mission permanente du Maroc aux Nations-Unies avait promptement réagi en mai 2009 lorsque l’Espagne (Canaries) et le Portugal avaient déposé des projets d’extension du plateau continental au-delà de 200 milles marins auprès de la Commission des limites du plateau continental des Nations-Unies. Le Maroc avait rappelé en ce sens que toute délimitation unilatérale serait inacceptable et que les dispositions de la convention des Nations-Unies sur le droit de la mer (Montego Bay) prônant la solution d’accord bilatéral entre les parties devaient s’appliquer dans ces cas. En attendant, un vide juridique continue de caractériser cet espace maritime comportant sans doute des ressources naturelles vitales pour le pays. C’est certainement ce souci qui a mené le Maroc à adhérer en 2007 à la convention de Montego Bay, accordant aux pays le droit à un plateau continental d’une étendue d’au moins 200 milles marins. Les prospections faites par l’Office national des hydrocarbures et des mines (ONHYM) ces dernières années attestent de la présence de ressources en hydrocarbures: «Les accumulations du pétrole et du gaz, enregistrées dans de nombreux forages d’exploration, bien que modestes, constituent une preuve forte de l’existence de systèmes pétroliers actifs dans l’offshore atlantique», affirme l’ONHYM sur son site officiel. Toutefois, la position géographique des îles Canaries et des îles Madère devrait poser des problèmes de chevauchement du plateau continental. Selon la Convention des Nations-Unies sur le droit de la mer, l’étendue du plateau continental d’un pays est fixée à un minimum de 200 milles marin et à un maximum 350 milles marins selon la nature géomorphologique.
Or l’espace maritime qui sépare les côtes marocaines de celles de ces îles est inférieur à cette étendue. Ainsi, Fuerteventura, l’île située le plus à l’est des Canaries se trouve être à moins de 100 km des côtes du Maroc. On comprend donc que ladite délimitation ne devrait pas se faire sans heurts. En effet, une commission provisoire était mise en place, afin de sauvegarder les intérêts et d’étudier les méthodes de délimitation les plus avantageuses pour le Maroc. Il semblerait que chez la doctrine une préférence soit déjà prononcée en faveur de la méthode dite d’équidistance. Non seulement le Maroc a rappelé dans ses positions diplomatiques qu’il reste attaché à la règle de l’équité et aux pratiques de la jurisprudence en la matière, mais a formellement inscrit dans sa législation nationale le recours à cette méthode pour la détermination de sa zone économique exclusive. À ce titre, rappelons que l’Espagne et le Portugal ont également confirmé le recours à cette délimitation dans leurs lois nationales. La jurisprudence ainsi que certains auteurs affirment même que l’application du principe d’équité commanderait que la ligne d’équidistance soit ajustée en faveur du Maroc et que l’on n’accorde qu’un effet partiel aux îles portugaises et espagnoles en cause. C’est le cas notamment de Maurice K. Kamga, qui explique dans son ouvrage, «Délimitation maritime sur la côte atlantique africaine» que cette solution devrait aboutir à une réduction relative de la partie du plateau continental qui reviendrait à ces îles grâce à un déplacement de la ligne d’équidistance tracée sur la carte en faveur du Maroc.
Conclusion
On pourrait dire, en s’inspirant de la distinction faite par Claude Lévi-Strauss entre sociétés «froides» et sociétés «chaude», qu’il existe des frontières froides, non contestées et des frontières chaudes, et qu’une telle distinction s’applique à tous les types de frontières. Certaines frontières qui étaient «froides» deviennent «chaudes» et réciproquement.
Il apparaît que la classification classique des frontières en trois types -naturelles, géométriques, anthropo-géographiques- c’est qu’elle ne s’intéresse qu’au tracé de la ligne frontière. On constate que la frontière de tel Etat coïncide, dans tel secteur, à tel accident topographique, tel méridien, telle minorité ethnique, mais on ne dit pas grand-chose des non-coïncidences qui sont beaucoup plus important d’envisager la carte des différents ensembles géopolitiques, en particulier la carte des différentes nations, des différentes ethnies et des différentes Etats, et de voir en quoi les frontières étatique épousent la carte des ethnies ou, au contraire, la traversent et tranchent carrément.
On considère souvent qu’une des caractéristiques du monde arabe est que les frontières tracées à l’époque coloniale, par entente entre différents impérialismes, ne correspondent aux limites des ethnies, de celles au moins qui se sentent la vocation de se regrouper dans un Etats et de former un Etat-nation.
La frontière actuelle des Etats arabes n'a pas encore atteint le point d'équilibre entre la coopération et la séparation. Elle est, pour le moment, le symbole de l'indépendance et de l'intégrité territoriale de ces Etats. C'est le bouclier face aux dangers venus de l'extérieur. Hélas, cette manière de voir les choses n'a plus toute sa force, car si cette défense de l'Etat par l'extérieur a été efficace, force est de constater que les dangers viennent d'ailleurs. C'est de l'intérieur, par explosion interne, que sont aujourd'hui compromis ces Etats.
Toutefois, il apparait que les conflits de frontières présentent un caractère d’extrême gravité. Il n’est pas exclu qu’ils se prolongent dans les années à venir. A ce propos, les pays arabes du Machrek soit d'Afrique du Nord doivent assumer leur part de responsabilité dans la recherche d’un ordre régional ouvrant la voie à une reconnaissance générale des réalités du terrain, dans un esprit constructif, moderne mais respectueux des droits, des cultures et des obligations de chacun afin de garantir la paix et la sécurité des peuples de la région.
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