Plus de 8 siècles avant les vicissitudes contemporaines sur le statut de la ville, Al Qods fut une ville où les Marocains vécurent et qu’ils défendirent par les armes. Ils élièrent domicile Harat al Maghariba, dit «le quartier marocain», un endroit mythique vieux de 770 ans au cœur de la ville sainte. Les récits historiques affirment que les Marocains s’établirent dans cette cité à partir du 10e siècle. C’était le temps de la Guerre des croisades (1095 – 1291), suite à laquelle les arabes s’emparèrent de Jérusalem en combattant aux côtés de Salah ad-Din ibn Ayyubi.
A la fin de la bataille de 1187 et une fois la situation revenue au calme, nombre de Marocains choisirent de rester dans une ville qui les accueillait depuis quelques années déjà. D’après le Moroccan Quarter : A History of the Present (Le quartier marocain : une histoire du présent, n°7. 2000), écrit par Thomas Abowd et publié par l’Institute for Palestine Studies, «les historiens de Jérusalem estiment que le quartier marocain remonte à l’époque ayyubide».
Afdal al-Din Abowd, fils de Salah ad-Din, indiquait la particularité du financement derrière la naissance de ce quartier (waqf) : «La donation à cet effet eut lieu à l’époque où le prince régnait sur Damas (1186 – 1196)». Cette version des faits fut confirmée à travers un autre récit de Rashid Khalidi, dans son ouvrage Palestinian Identity : the Construction of Modern National Consciousness (Identité palestinienne : la construction de la conscience nationale moderne – Columbia University Press, 1997). L’historien américain d’origine palestinienne y indique que le quartier fut créé en 1193.
«Le quartier marocain fut établi en tant que Waqf musulman, ou dot pieuse inaliénable, en 1193 par al-Malik al-Afdal, fils du sultan ayyoubide Saladin, qui avait reprit la ville des croisés.»
Comme le rapporte Thomas Abowd, le sultan ayyoubide avait également permis la construction du quartier Hayya al-Sharif, qui servait de refuge aux nouveaux habitants venus du Maroc. Par conséquent, cette partie de la ville devint la nouvelle demeure des Marocains établis dans la région depuis le 13e siècle, jusqu’aux derniers jours du régime jordanien en 1967.
Harat al Maghariba
Comme décrit par Thomas Abowd, ce quartier situé dans la vieille ville s’étalait sur près de «10 000 mètres carrés», comprenant «le Jami ‘al-Magharibeh près de Bab Maghribeh et de Zawiyya Fakhriyya». Plus tard, le sultan Afdal le dota d’ «al-Madrasa al-‘Afdaliyya, à la fin du 12e siècle, dans ce quartier très prisé par les fuqaha (juristes)».
Habitant le quartier depuis des décennies, les Marocains purent apporter une touche de leur culture et de leur style de vie à la région. Abdelillah Benarafa le mentionne dans son livre Mount Qaf : A Biographical Novel on Andalusia Mystic Muhyiddin Ibn Al-Arabi (Le Mont Qaf : un ouvrage biographique sur l’Andalousie mystique de Muhyiddin Ibn Al-Arabi). Il rappelle aussi que «les Marocains étaient bien connus dans cette ville, parce qu’ils avaient fait des miracles pour la défense des musulmans».
«Les tapis marocains, plus beaux que la soie, se firent connaître auprès de tous. Le feutre rouge marocain devint l’accessoire préféré des savants, des dignitaires et d’al-Jahiz (écrivain arabe et auteur d’ouvrages littéraires mu’tazilites).»
La destruction de 1967 par Israël
Bien que les Marocains aient pu s’intégrer au tissu social palestinien, l’existence du quartier connut une fin tragique. Bab al Maghariba fut détruit par Israël, à la suite de la conquête de Jérusalem en 1967, trois jours après la Guerre des six jours (du 5 au 10 juin 1967). La même année, Harat al Maghariba avait accueilli plus de 650 personnes et 100 familles. Selon Thomas Abowd, «les 135 maisons du quartier furent pratiquement rasées, dans la nuit du 11 juin».
«Dans un premeir temps, certaines structures alentours du quartier furent toutefois conservées, notamment une mosquée près du Bab Maghribeh et la Zawiyya Fakhriyya. Dans un second temps, on les rasa en 1969. L’historien palestinien Albert Algazerian considère que ces sites religieux avaient été laissés debout, grâce à l’intervention de Hassan II, un souverain avec qui Israël souhaitait faire évoluer ses relations, et avec qui beaucoup de Marocains de confession juive gardaient des liens.»
Une fois le quartier rasé, la moitié de ses résidents retournèrent en Afrique du Nord. Au Maroc, ils arrivèrent via Amman «avec l’aide de Hassan II». Par ailleurs, ceux qui préféraient rester en Palestine furent réfugiés dans le camp de Shu’fat à Jérusalem-Est.
Bien que le quartier marocain fût détruit par l’armée israélienne dans les années 1960, il resta considéré comme l’un des chapitres marquants de l’histoire, témoignant des relations d’amitié liant les Marocains aux Palestiniens.
Reconnue par l'IPS (Institute for Palestine Studies), Nazmi Amin al-Jubeh est né à Jérusalem en 1955 et y réside. Il est titulaire d'un BA de l'Université de Birzeit ( 1980 ), MA ( 1988 ) et d'un doctorat en études orientales et archéologie de l'Université de Tübingen en Allemagne ( 1991 ). Il est professeur agrégé au Département d'histoire et d'archéologie de l'Université de Birzeit depuis 1991 et a occupé plusieurs postes administratifs à l'université. Il a été codirecteur de Riwaq, le Centre pour la conservation architecturale ( 1994-2010 ) et directeur du Musée islamique - Jérusalem ( 1980-1984 ). Il publie une note (ci-dessous) basée sur une recherche historique "Bab al-Magharibah" où il fait référence aux quartiers marocains à plusieurs endroits de ses recherches.
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