LE MAROC SELON JAURÈS : HISTOIRE MILLÉNAIRE ET REFUS DE DOMINATION
- 9 août
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En mars 1908, à la tribune de la Chambre des députés française, Jean Jaurès, figure majeure du socialisme et de l’humanisme, prenait la parole pour dénoncer les massacres commis par l’armée française au Maroc. Face à un hémicycle acquis à la colonisation, il osa dire ce que peu osaient exprimer : la guerre menée par la France au Maroc n’était pas seulement injuste, elle était moralement indéfendable. Jaurès dénonçait les exactions, les bombardements de villages, les destructions de Casablanca, et surtout, la politique de domination visant à briser la résistance d’un peuple libre.
Dans un discours resté célèbre, il rendait hommage à la singularité marocaine :
« Au Maroc, il y a un peuple effervescent et indépendant, ombrageux, qui a plus que nous ne l’imaginons, plus que nous ne le savons, la fierté de sa vieille histoire, qui se rappelle qu’il a successivement refoulé de son sol les Portugais, les Espagnols, les Anglais, qu’il a secoué le joug des Turcs. Il se rappelle même les temps héroïques où il était le maître d’une partie de l’Espagne. Il a eu des chefs, mais qu’il a élevés librement et déposés ; ce n’est pas un peuple plié, ce n’est pas un peuple accoutumé à subir en silence une domination tyrannique et qui pourrait être un jour passé comme un objet d’échange. C’est un peuple guerrier, c’est un peuple farouche auquel il ne suffirait pas, nous l’avons vu, d’une combinaison diplomatique ou de je ne sais quelle longue tolérance de l’Europe pour lui faire accepter notre domination. »
Ces mots, prononcés plus de quatre ans avant l’établissement du protectorat, sont une preuve éclatante de ce que des observateurs étrangers lucides savaient déjà : le Maroc n’était pas une création administrative de 1912, mais un État historique, avec une identité affirmée et un passé prestigieux. Les victoires contre les puissances européennes, le refus du joug ottoman, la mémoire d’Al-Andalus, tout cela faisait partie intégrante de la conscience nationale marocaine.
Cette reconnaissance de la profondeur historique et de l’indépendance d’esprit des Marocains contraste fortement avec la vision que Jaurès exprimait sur l’Algérie. Après près de quatre-vingts ans de présence coloniale française, il rappelait que les autorités coloniales elles-mêmes refusaient d’armer les « Arabes d’Algérie », par crainte de leur réaction. En d’autres termes, la colonisation avait produit une société maintenue sous tutelle, où la confiance envers la population était quasi inexistante. Cette différence fondamentale dans le regard porté sur les deux peuples est un témoignage historique de plus, confirmant que l’Algérie coloniale n’avait pas d’État souverain comparable au Maroc pré-1912.
Face aux propagandes actuelles qui prétendent que le Maroc aurait été « inventé » par la France en 1912, les paroles de Jaurès sont un coup de massue : un siècle plus tôt, un parlementaire français de premier plan décrivait déjà un pays fier, organisé, jaloux de son indépendance et rétif à toute domination. Loin d’être une construction coloniale, le Maroc était et reste l’une des plus anciennes nations d’Afrique et du monde musulman, avec une continuité étatique que l’Histoire authentique ne saurait nier.
À travers ce discours, Jaurès ne défendait pas seulement un peuple, il rappelait à la France elle-même que la grandeur ne réside pas dans la conquête et la brutalité, mais dans la justice et le respect des nations. Un message que les contempteurs du Maroc feraient bien de méditer.











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