
Traditionnellement, la Famille est le noyau essentiel de la vie des Marocains.
C'est en son sein que se sculptent toutes les personnes elle est le nucléus le plus important de la société et chacun se revendique de ses familles paternelles et maternelles comme de ce qu'il y a de plus sacré, de plus important, de revalorisant, de nécessaire. Les familles se refont au fur et à mesure dans la société marocaine, auparavant dans les années quarante et cinquante encore tous les quinze ans environ pour les femmes et tous les dix-huit à vingt ans environ pour les hommes. C'est une famille énorme sur laquelle régnait le patriarche - le plus âgé, ou le plus influent des hommes qui constitue l'entité familiale : les familles étaient très larges dans toutes les régions du Maroc. La femme la plus écoutée, et la plus respectée était l'épouse du patriarche. La tradition était que tout le monde vivait dans la même maison, parents, grands-parents, jeunes couples, veuves, divorcées (elles étaient rarissimes), jeunes gens non encore mariés, parents pauvres. Il fallait avoir le plus grand nombre d'enfants possible et si possible des garçons. La mortalité des enfants en bas âge était très grande, d'une part, et, d'autre part, il y avait une mortalité maternelle énorme. Ceci établissait des rapports spécifiques entre les membres d'une même famille et entre toutes les familles. Les hommes se mariaient souvent et plusieurs fois dans leur vie.
On peut dire que la famille résorbait toutes les difficultés, tous les drames, toutes les pauvretés, toutes les carences... avant la colonisation, donc, avant l'introduction de nouveaux modèles de familles, de couples et de relations entre les hommes et les femmes. Quel que soit le motif de son évolution, la famille est toujours le lieu dans lequel les personnes sont réassurées, dans lequel elles se reposent et se restructurent, se concertent et se décident, sont aidées ou soignées...
Le proverbe dit :
Elli ‘aandou khouh f’jamaa ma imout ghrib
Celui qui a un frère dans la communauté ne peut mourir seul et étranger !
On ne peut savoir à quel point cela est vrai, chez tous les Marocains. Et c'est toujours la règle. Et même aujourd'hui.
Termes traditionnels conventionnels pour désigner verbalement la parenté :
* Aazizi, dit-on à l'aîné de la fratrie (ou bien Khay ou Khiyyi, au beau-père (mari de la mère), au frère aîné ou à un aîné plus âgé que l'on respecte, quelle que soit le lien ou la parenté avec lui.
* Khiti, désigne la grande sœur ou la sœur aînée, parfois, la tante la plus jeune
* Ba, Moui, Abi, Oummi, Père et Mère sont dits de façons très variables, Mouima, Mama, et les diminutifs sont pléthore, comme Mouimti, Lalla, Ami, aamti, oncle et tante paternels,
* Hbibi (khali dans certaines régions), Khalti, oncle et tante maternels Moulala. Moui'ziza,
* Ba Sidi, grand-père, Moui'Hbiba, Jedda, grand-mère
* Hbibti, Lalla Aïni, Lalla Aami, 'Ouinti,
* Louss, le beau-frère, Loussa, la belle-sœur, Ennota, femme du beau-frère,
* On change de façon d'appeler ceux qui ont fait le pèlerinage à La Mecque (le grand ou le vrai pèlerinage et non la Oo'mra ou petit pèlerinage fait en dehors de la saison du pèlerinage). Ils deviennent ainsi Elhaj et Elhajja, désinence suivie des prénoms. El Haj Mohammed ou Elhajja Fatima étaient en général âgés lors de leur pèlerinage que l'on ne faisait qu'une fois dans la vie, pour laver tous les péchés : aujourd'hui, on va tellement fréquemment à La Mecque que le symbole extrêmement fort attaché à cette Farida ou obligation de l'islam n'est plus très signifiant. L'avion permet à ceux qui sont aisés d'y aller si souvent que la dépréciation du geste profond du pèlerinage aux lieux saints disparaît. En effet, autrefois, les pèlerins partaient en bateau ou par voie terrestre et c'était un moment de grand recueillement, de grande aventure le pèlerinage était dangereux dans les traversées des pays et des déserts, les pillards et coupeurs de route très nombreux, il durait plusieurs mois, les femmes le faisaient très peu, les hommes, au retour, étaient accueillis comme des héros et des saints, car ils avaient survécu à tous les périls. Évidemment, le Maroc est géographiquement le pays le plus lointain de la Mecque par rapport aux autres, aussi, fin du 19° et au tout début du 20° siècle, avant la banalisation des transports aériens, le pèlerinage était un grand moment de la vie des croyants...
* Dada, dans les régions sahariennes du Maroc, est l'appellation réservée à la grand-mère. Elle exprime le respect dû à son âge et aussi à sa position très influente au sein de la famille. C'est notamment la Dada qui a la haute main sur le ravitaillement. Dans la famille bourgeoise citadine marocaine, le terme Dada attribué à la cuisinière en chef, consacre tout à la fois le respect dû à son âge, son grand savoir et son incontestable autorité. Autrefois, jusque dans les années quarante et cinquante, elle était l'esclave noire, la plus importante et la plus âgée de toutes les esclaves femmes; souvent, c'est elle qui élevait les générations d'enfants de ses maîtres. L'usage était que la mariée parte de chez son père accompagnée par son esclave personnelle, qui la connaissait, la servait et l'aiderait à devenir femme et maîtresse de maison, lui élevant les enfants au fur et à mesure de leur arrivée. Elle restait la jonction avec la mère de la mariée, car elle se mouvait librement à l'extérieur de la maison, pouvant aller à travers les ruelles d'une maison à l'autre...
* Nanna était une manière affectueuse de dénommer soit la mère, soit la grand-mère, soit la « nounou », cette femme qui prend soin et élève des enfants, les siens, ses petits-enfants, ou ceux des autres, plutôt campagnard ou régional.
Eli ma ando sido, ando lallah !! dit le proverbe...
Celui qui n'a pas son maître, a sa maîtresse, proverbe qui met un syncrétisme entre les rapports dans l'esclavage et ceux qui unissent un plus faible à plus puissant...
On voit ainsi la subtilité des jeux de la puissance et de la transmission du pouvoir à travers l'édifice familial, avec bien entendu, le pouvoir féminin qui passe après le masculin.
Dans ma famille côté paternel les grands parents c'était Ba Sidi et Moui Lalla et côté maternelle Ba et Moui vu qu'ils m'ont en partie élevée... qu'Allah leur fasse miséricorde. Et vous ?
Texte qui représente les marocains et leurs coutumes et traditions.
Et tant d’autre mots : yemma, aziza, ba sidou.. des mots très doux à entendre