
Cette publication vous propose de découvrir la cérémonie du thé, atthayy, siniyya dyal athayy. Ainsi, la douceur climatique et les patios des maisons sont le jardin des délices aux fins des après-midi. Après les tâches de la matinée et les travaux de milieu du jour, broderies ou tapisseries ou autres..., les femmes avaient coutume de se réunir autour de verres de thé ou de café fumant, assises sur des matelas très bas, des sofas ou des tapis jetés à même les mosaïques. Cette réunion en elle-même est un moment de grâce pris sur le temps et la lassitude.
Pays des fantasias et des mariages grandioses, des cérémonies extrêmement minutieuses et significatives, lieu de ressac de toutes les cultures du monde de par sa situation géographique, le Maroc a offert de tout temps la qualité de son hospitalité et la générosité de son accueil. Ces deux derniers traits proviennent de son sceau arabe et musulman, survivance des difficultés vécues dans les déserts et au cours de très longs périples.

En effet, les Arabes vivaient des sur terres très dures, climatiquement hostiles. Séparées les unes des autres par de très grandes distances, ils voyageaient par caravanes qui mettaient des semaines sinon des mois à arriver à destination. De plus, le pèlerinage a toujours fait se rencontrer à la Mecque les musulmans de tous les horizons même lorsque le voyage était une aventure extrêmement ardue, si bien que l'hospitalité et la générosité de l'accueil sont restées un trait de caractère arabe et musulman. Accueillir quelqu'un c'est le recevoir chez soi, le délasser, le restaurer, le réjouir et fort évidemment ce sont les femmes auxquelles incombent les tâches d'embellir leurs demeures, de préparer les réceptions et de veiller à leur bon déroulement.
Introduit au Maroc par les Anglais, en 1854, le thé vert est vite devenu la boisson nationale, alors qu'auparavant, ils buvaient des infusions de menthe et de Chiba, absinthe, qu'ils ont utilisée en adjonction au thé, créant ainsi ce breuvage extraordinaire qu'est un thé à la menthe et aux herbes...
À Rabat, par exemple, il se buvait, très léger, au petit-déjeuner, puis plus fort vers onze du matin, avec Feqqasse et Ghriyba-del-bed ou Palepa, gâteaux et biscuits légers...; on en reprenait après le déjeuner pour aider à la digestion des plats riches et lourds...
On rebuvait du thé vers la fin de la journée, avec des gâteaux plus conséquents comme Ghriyba-dessmene, Kaab, Kehk. Après le dîner, également, on prenait un thé plus ou moins fort... Mais il est systématiquement bu pour accompagner certains mets: Khlii-bel-bed, viande boucanée aux œufs, R'ghayf, les crêpes, Kefta- bel-bed, viande hachée aux œufs, Lqotbane, les brochettes et le méchoui...

Depuis longtemps, « Le thé à la menthe » est considéré mondialement comme une boisson très fameuse. Sa présentation et sa confection sont une véritable cérémonie, parfois confiées à un maître d'œuvre ! On le fait devant les invités pour séduire leur regard puis leur palais; plateaux magnifiques, théières, verres de cristal ou de couleurs, napperons, boîtes de thé, de sucre, de menthe, verre d'aromates, absinthe ou eau de fleur d'oranger, menthe poivrée, menthe de 'Aabda, basilic ou sauge, la richesse des arômes est vraiment une affaire d'amoureux du thé, sachant que les meilleurs ingrédients sont la réussite d'un thé savoureux entre les mains de celui qui en est un spécialiste... Il n'y a pas si longtemps, dans les maisons bourgeoises ou les riches demeures des patriciens, le Samovar, L'Babor (mot le désignant à Rabat, arabisation du mot Vapeur, très probablement) était un ustensile obligé, prodiguant
l'eau bouillante à la température requise... quand il n'y avait pas de préposé au thé, c'est le maître des lieux qui officiait ou un invité de marque que l'on voulait honorer ou celui qui était réputé être un grand connaisseur.
Le thé à la menthe, chaud, sucré et parfumé était donc fait devant tout le monde dans un rituel très précis, c'est une sorte de fête des sens, de centre d'un moment d'attente pour un plaisir très raffiné; serviette sur les genoux, le maître de cérémonie avait deux plateaux devant lui. Avec des gestes pleins de componction, concentration, recueillement et en silence, il rince la théière, prend l'exacte pincée de thé, froisse les feuilles de menthe (lavée, séchée, de cela aussi dépend un très bon thé), compte les morceaux de sucre, en évaluant la grosseur de chacun (ils sont les morceaux concassés à l'avance d'un pain de sucre), actions qui le fascinent autant que son assistance. Il rince le thé, après la menthe, il verse l'eau tout juste bouillante, ajoute le sucre, laisse tout reposer, puis remue avec une cuillère en argent ; il goûte, dans son verre, celui dans lequel il va se servir après ses invités, puis avec un autre verre vide, il le remplit pour voir la coloration et l'aspect du thé puis renverse tout ce verre dans la théière, ce qui va harmoniser les éléments en présence. Satisfait, il donne à voir le liquide ambré, dans un geste magistral en élevant et rabaissant la théière au-dessus de chaque verre. On entend le bruit du liquide, autre plaisir. Une mousse couronne le thé, elle est le comble de sa réussite. Autre élément fondamental du plateau de thé, c'est le grand nombre de verres vides qui attend toute personne qui arriverait alors...
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