L’ALGÉRIE RECOURT AUX INSTITUTIONS FINANCIÈRES INTERNATIONALES
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L’Algérie se présente souvent, avec une insistance qui frôle l’obsession, comme « l’unique pays africain qui ne s’endette pas ». À chaque fois que le Maroc finance un projet grâce à des emprunts structurés, Alger dégaine son discours rodé : « Nous sommes souverains », « Nous ne contractons pas de dettes », « Nous ne dépendons d’aucune institution ». Ce refrain, martelé par les officiels, les influenceurs et les médias proches du pouvoir, sert de prétexte pour attaquer le Maroc dès qu’un nouveau financement est annoncé.
Pourtant, la réalité, celle des documents officiels, des institutions financières internationales et même des médias algériens raconte une histoire totalement différente. La rencontre récente entre Ahmed Attaf, ministre algérien des Affaires étrangères, et Odile Renaud-Basso, présidente de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), en est la démonstration parfaite. Le média algérien Awras.com en a même fait un sujet central, soulignant l’importance de cet échange. En voulant montrer une Algérie influente, l’article a surtout révélé l’incohérence profonde du discours officiel : on ne multiplie pas les entretiens avec une banque internationale quand on prétend ne jamais avoir recours aux financements extérieurs.
La BERD n’est pas une fondation philanthropique. C’est une institution bancaire européenne qui finance, investit, octroie des lignes de crédit et accompagne les réformes structurelles à travers des mécanismes financiers précis. Lorsqu’elle « soutient », elle finance et lorsqu’elle « accompagne », elle prête et enfin, lorsqu’elle « développe des capacités privées », elle investit dans le tissu entrepreneurial par des instruments qui relèvent du financement extérieur. C’est ainsi qu’elle fonctionne dans tous les pays membres, du Maroc à la Jordanie, de l’Égypte à la Tunisie. Imaginer qu’elle ferait une exception pour l’Algérie relève du déni ou de la manipulation.
Le communiqué du ministère algérien des Affaires étrangères confirme que la rencontre a porté sur la « diversification de l’économie nationale », le « soutien des capacités du secteur privé » et l’amélioration de la compétitivité dans des secteurs clés tels que l’agriculture ou les énergies renouvelables. Ce langage, parfaitement codifié, est celui utilisé par la BERD lorsqu’elle prépare des lignes de financement, des prêts concessionnels ou des programmes d’appui axés sur les réformes sectorielles. Ce ne sont pas des discussions symboliques : elles sont la première étape d’un engagement financier structuré.
La Banque mondiale, dans son rapport de juin 2024, renforce cette évidence. Elle note que le déficit du compte courant, évalué à 1,7 % du PIB, a été financé par « l’épargne pétrolière », précisant que cette mécanique évite pour l’instant une hausse visible de la dette publique. Mais elle insiste, comme toujours dans ses rapports, sur la nécessité d’améliorer la gouvernance, d’attirer les investissements étrangers, de renforcer l’environnement des affaires et de moderniser les institutions économiques.
Il faut être clair : lorsqu’un pays travaille avec la Banque mondiale, c’est qu’il entre dans une relation financière. Il ne s’agit pas d’une association de bienfaisance mais d’un partenariat financier global qui intègre des prêts, des appuis budgétaires, des financements ciblés et des programmes de réforme. Dire que cela n’est « pas une dette » revient à jouer sur les mots. Tous les États du monde développés travaillent avec ces institutions, et l’Algérie aussi. La différence, c’est que le Maroc l’assume, alors que l’Algérie le camoufle.
Cette posture paradoxale prend encore plus de relief lorsqu’on rappelle qu’Alger se présente comme « contributeur majeur » de la BERD. Un statut que possèdent également des pays qui empruntent activement. Être contributeur ne signifie pas refuser les financements : cela signifie participer au capital de la Banque pour pouvoir bénéficier de ses programmes. C’est le cas de la Turquie, de la France, de l’Italie, du Maroc, et de la quasi-totalité des pays intégrés à la zone d’action de la BERD. L’argument algérien est donc techniquement et financièrement infondé.
La vérité, que les rapports internationaux rappellent année après année, est que l’Algérie a un modèle économique fragile, fondé sur une rente pétrolière qui finance presque tous les équilibres budgétaires. Les institutions internationales ne cessent de recommander la diversification, l’ouverture, la réforme du secteur bancaire, l’attraction de capitaux étrangers et la modernisation du climat des affaires. Et ce sont précisément ces axes que la BERD se propose de financer et d’accompagner. En d’autres termes, l’Algérie discute aujourd’hui avec la BERD et la Banque mondiale parce qu’elle en a besoin. Parce que la rente pétrolière, même abondante, ne suffit plus à stabiliser une économie dépendante, rigide et vulnérable aux chocs extérieurs.
Pendant ce temps, le Maroc construit sa croissance sur des bases solides, diversifiées et assumées. Il emprunte, oui, mais pour investir. Ports, autoroutes, hôpitaux, universités, satellites, TGV, infrastructures, programmes industriels, transition énergétique : tout cela se construit grâce à des financements intelligents, maîtrisés et transparents. Les institutions qui travaillent avec le Royaume saluent sa vision stratégique, sa stabilité, sa gouvernance et la clairvoyance de SM le Roi Mohammed VI dans la conduite du développement national.
La rencontre d’Ahmed Attaf avec la présidente de la BERD, amplifiée par Awras.com, a donc offert une fenêtre sur une vérité que la communication officielle algérienne tente de masquer : l’Algérie sollicite, elle aussi, les grandes institutions financières internationales. Ce n’est pas un problème en soi. Ce qui l’est, c’est d’attaquer systématiquement le Maroc pour des pratiques que l’on applique en silence chez soi. L’honnêteté, en économie comme en diplomatie, commence par la cohérence.











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