CHIENS ERRANTS, DÉSINFORMATION ET CAMPAGNE DE DÉSTABILISATION
- 23 juin
- 6 min de lecture

À chaque édition de la Coupe du Monde, les projecteurs se braquent non seulement sur les performances sportives, mais aussi sur le pays hôte, dont l’image se trouve souvent assaillie par une campagne de critiques orchestrées par des médias, des ONG et parfois des acteurs politiques. Le sentiment de jalousie géopolitique, l’opportunisme des associations de défense des droits et la volonté de déstabiliser un rival en plein essor se mêlent pour nourrir ce que certains appellent la « propagande anti-hôte ».
Dès 2014, le Brésil avait connu de vastes mouvements de protestation : plus d’un million de personnes étaient descendues dans la rue pour dénoncer le coût exorbitant du tournoi et le manque d’investissements dans les services publics, tandis que la répression policière des manifestants et les tentatives de dissimulation des violences illustraient la difficulté pour un pays émergent d’échapper au regard critique de la scène internationale.
Quatre ans plus tard, en Russie, les lois contre la « propagande » LGBT adoptées avant le Mondial 2018 avaient servi de bouc émissaire pour dénoncer une prétendue « régression des droits humains », tandis que la mise sous silence des voix dissidentes et la censure médiatique pendant la compétition étaient largement relayées pour remettre en question la légitimité d’un régime jugé trop autoritaire. De même, l’attribution du tournoi au Qatar en 2022 a cristallisé les critiques sur les conditions de travail des ouvriers migrants, les décès inexpliqués sur les chantiers et les restrictions à la liberté d’expression, dans un pays dont la taille et la tradition footballistique étaient déjà perçues comme inadaptées à un événement de cette ampleur.
Le Maroc, futur co-organisateur de la Coupe du Monde 2030, se trouve aujourd’hui au cœur de cette mécanique. En quelques décennies, le royaume a multiplié les réformes et les investissements, développant son réseau de transport à grande vitesse, modernisant ses infrastructures aéroportuaires et attirant un flux croissant de capitaux et de touristes. Ce dynamisme a fait du Maroc un modèle de réussite régionale, mais aussi la cible de critiques amplifiées par la rivalité historique avec son voisin algérien. Les médias algériens, en proie à des difficultés économiques et à une classe politique divisée, n’hésitent pas à souligner la question du Sahara ou à relayer les alertes d’ONG sur la protection des animaux errants et les conditions de travail sur les chantiers, instrumentalisation qui nourrit un ressentiment jusqu’à présent contenu.
Ces derniers jours, la couverture médiatique internationale s’est focalisée sur la question des chiens errants au Maroc, comme si la seule responsabilité en incombait au royaume chérifien. Derrière ce battage se profile, à n’en pas douter, une orchestration du régime algérien qui cherche à ternir l’image du Maroc à l’aube de la Coupe du Monde 2030.
Dans le sillage de l’attention mondiale portée au Maroc, les médias algériens n’hésitent pas à pointer du doigt la seule problématique des chiens errants au royaume chérifien, alors que la même situation est largement documentée chez eux.
À Bouira, El Watan rapporte une « prolifération des chiens errants dans les zones urbaines », avec plus de 5 000 cas de morsures recensés en 2023.
À Alger, le média Le Monde a couvert la mobilisation des défenseurs des animaux « vent debout contre l’abattage systématique des chiens et chats errants ».
Le National Radar a de son côté publié, le 1er octobre 2024, un article titré « Prolifération des chiens errants dans les zones urbaines », tandis que Le Point s’est fait l’écho, le 3 juin 2022, Brigitte Bardot s'inquiétant de ce fléau en Algérie.
Enfin, Algérie360 a relaté un drame à Batna où « attaque par 12 chiens errants : un enfant succombe à ses blessures ».
Ces exemples témoignent que la question animale est tout aussi aigüe en Algérie, mais qu’il est plus commode d’accabler le Maroc sous les projecteurs du tourisme international et de l'organisation de la coupe du monde 2030.
Le Royaume du Maroc a mis en place depuis 2019 une stratégie ambitieuse dite « Capture, Stérilisation, Vaccination et Remise en liberté » (TVNR) afin de maîtriser la population canine errante tout en respectant le bien-être animal. Piloté par la Direction de la santé publique et des espaces verts du ministère de l’Intérieur, ce programme a d’ores et déjà permis la création d’un centre pilote à Rabat, auquel devraient s’ajouter 14 autres établissements similaires à travers le pays. Chaque chien capturé y reçoit un examen vétérinaire complet, une stérilisation chirurgicale et un vaccin antirabique, avant d’être marqué par une médaille colorée et relâché dans son milieu d’origine. Pour soutenir cette politique, l’État a investi près de 23 millions de dollars depuis 2020, en partie consacrés à l’équipement des structures et à la formation des équipes pluridisciplinaires (260 vétérinaires, 260 médecins et techniciens de santé, ainsi que 130 spécialistes de la gestion des refuges).
Afin de renforcer l’accessibilité et l’efficacité de ces actions, le gouvernement marocain a également lancé un programme de création de 130 Bureaux communaux d’hygiène (BCH), dotés d’une enveloppe d’1 040 millions de dirhams. À l’horizon 2025, le taux de couverture nationale devrait passer de 18 % à près de 100 %, grâce à l’équipement de dispensaires animaliers dans 565 centres et à l’appui logistique de l’Institut Pasteur, auquel sont versés chaque année 40 millions de dirhams pour l’achat de vaccins et de sérums.
Par ailleurs, des refuges collectifs ou provinciaux sont en cours de réalisation dans plusieurs régions, ce qui permet de centraliser la prise en charge des chiens errants et de déployer des campagnes de sensibilisation à l’adoption et à la stérilisation volontaire des animaux de compagnie.
Sur le plan législatif, un projet de loi visant à renforcer la protection contre les dangers canins et à encadrer plus strictement les interventions animales est à l’étude depuis mai 2025. Ce texte propose des sanctions dissuasives contre les abandons et les mauvais traitements, tout en établissant un cadre légal pour les opérations TVNR. En parallèle, le ministère de l’Intérieur collabore étroitement avec des associations locales, notamment l’Association de défense des animaux et de la nature (ADAN) présidée par Habiba Tazi, pour développer des centres de soins et de refuge et pour conduire des programmes de formation destinés aux jeunes vétérinaires et aux agents communaux. Cette approche partenariale vise à pérenniser les efforts, à garantir une prise en charge respectueuse et à faire du Maroc un modèle de gestion humaine et durable de la problématique des animaux errants.
Sur le plan psychologique, on peut analyser cette instrumentalisation médiatique comme un phénomène de projection et de bouc émissaire : en visant le Maroc, l’Algérie extériorise ses propres défaillances et canalise la frustration de sa population autour d’un « autre » qui réussit. La théorie du bouc émissaire en psychologie sociale montre comment, face à des problèmes internes (crise économique, déficit d’infrastructures publiques, mécontentement populaire), une collectivité peut se tourner vers un adversaire extérieur pour restaurer une identité menacée et renforcer la cohésion interne. L’invocation répétée du « sportswashing » au Maroc masque en réalité un double discours : si le royaume utilise l’image du football pour valoriser son développement, l’Algérie fait de même en détournant l’attention de ses propres failles.
Cette logique de l’« autodivision » ne se limite pas aux chiens errants. Sur la question de la prostitution, le régime algérien et certains médias locaux pointent régulièrement du doigt le Maroc, le présentant comme un paradis du tourisme sexuel. Pourtant, des études sociologiques et des enquêtes de terrain montrent que la prostitution est tout aussi répandue en Algérie, dans des contextes sociaux tout aussi précaires, mais fait l’objet d’un silence médiatique plus strict pour des raisons culturelles et politiques. Ce double standard illustre une stratégie de rivalité régionale : mieux vaut attaquer l’autre sur ses points de vulnérabilité que de reconnaître ses propres contradictions.
En définitive, la mise en lumière des chiens errants au Maroc sert de prétexte à une campagne de déstabilisation fondée sur la jalousie régionale et l’opportunisme d’acteurs politiques. Pour répondre à ces critiques, le Maroc gagnerait à renforcer encore sa transparence : publier régulièrement des bilans sur la gestion animale, associer les ONG locales à l’élaboration de solutions et communiquer sur les progrès réalisés. Une telle démarche proactive permettrait non seulement de traiter efficacement la problématique, mais aussi de désamorcer la propagande adverse en montrant, chiffres à l’appui, que le royaume ne se contente pas de subir les critiques, mais qu’il innove et assume ses responsabilités.
コメント