EST-CE QUE L’ALGÉRIE A INSCRIT LE CAFTAN À L’UNESCO ?
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Depuis l’inscription officielle du Caftan marocain sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO, une confusion volontairement entretenue a émergé dans la communication officielle algérienne à travers ses plateformes officielles comme l'APS ou encore plusieurs ambassades. À travers des communiqués successifs, parfois contradictoires, les autorités d’Alger ont tenté de transformer un revers diplomatique manifeste en victoire narrative, au prix d’une déformation flagrante du fonctionnement des institutions internationales. Pour répondre sereinement aux doutes de certains Marocains, il est indispensable de revenir aux faits, aux règles onusiennes et à ce que disent réellement les décisions officielles.
L’UNESCO est une institution spécialisée des Nations Unies. Elle agit dans un cadre juridique strict défini par la Convention de 2003 pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. Dans ce système, ce que l’UNESCO inscrit n’est ni un mot isolé, ni un vêtement pris abstraitement, ni une revendication politique, mais un élément précisément identifié, nommé, documenté et validé par une décision formelle du Comité intergouvernemental. Une inscription se matérialise toujours par un intitulé officiel, un numéro de dossier, une session et une décision publique consultable dans les archives onusiennes.
Le 10 décembre 2025, lors de sa session à New Delhi, le Comité intergouvernemental de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel a inscrit « Le Caftan marocain : art, traditions et savoir-faire » sur la Liste représentative, au titre du Maroc. Cette décision est claire, écrite, archivée et vérifiable. Elle a été immédiatement relayée par la presse internationale. Le Monde a parlé sans ambiguïté de l’inscription du caftan marocain et des protestations algériennes qu’elle a suscitées. Le Figaro a évoqué une Algérie « horrifiée » par cette reconnaissance. Aucun média international sérieux n’a parlé d’une inscription algérienne du caftan, ni d’une quelconque primauté reconnue par l’UNESCO.
Cette unanimité médiatique reflète une réalité juridique simple. L’UNESCO rappelle explicitement que l’inscription d’un élément ne reconnaît ni une origine exclusive, ni une antériorité historique, ni une propriété culturelle. La notion de « primauté », abondamment utilisée dans le discours algérien, n’existe tout simplement pas dans le droit du patrimoine culturel immatériel des Nations Unies. Elle ne figure ni dans la Convention de 2003, ni dans les directives opérationnelles, ni dans les décisions du Comité.
C’est pourtant autour de cette notion inexistante qu’a été construite la communication algérienne. Après avoir, dans un premier temps, dénoncé l’inscription du caftan marocain, le ministère algérien des Affaires étrangères a diffusé un second communiqué affirmant que l’UNESCO aurait confirmé une primauté algérienne à travers la modification de dossiers antérieurs. Or cette affirmation repose sur une confusion volontaire entre l’inscription d’un élément et la modification technique d’un dossier existant. Dans le système UNESCO, il est possible d’ajuster le nom ou certaines descriptions d’un élément déjà inscrit afin de préciser des usages locaux. Ces modifications sont encadrées par les directives opérationnelles et ne créent jamais un nouvel élément ni une nouvelle inscription autonome.
Un point fondamental doit être compris, car il suffit à démonter le cœur du mensonge. Deux États peuvent être associés à un même élément inscrit à l’UNESCO, mais un même élément ne peut pas être inscrit deux fois séparément sous la même appellation. Lorsqu’un élément est déjà inscrit pour un État, un autre État ne peut pas déposer, des années plus tard, le même élément comme s’il s’agissait d’une nouvelle inscription indépendante. La seule voie possible est celle de l’extension ou de l’intégration à l’élément existant, ce qui suppose une démarche conjointe ou, à tout le moins, l’accord de l’État porteur initial du dossier, ainsi que le consentement des communautés concernées. Ce mécanisme existe précisément pour éviter les doublons et les revendications concurrentes artificielles.
Autrement dit, si le caftan avait réellement été inscrit auparavant par l’Algérie en tant qu’élément autonome reconnu par l’UNESCO, le Maroc n’aurait juridiquement pas pu déposer un dossier distinct intitulé « Caftan marocain ». Il aurait été contraint de demander son intégration à un élément déjà existant, ce qui aurait nécessité l’accord explicite de l’Algérie. Or non seulement une telle procédure n’a jamais existé, mais l’Algérie a elle-même contesté publiquement l’inscription marocaine. Croire que l’Algérie aurait inscrit le caftan avant le Maroc, et que le Maroc l’aurait ensuite inscrit indépendamment, est incompatible avec les mécanismes de fonctionnement de l’UNESCO. Le simple fait que l’inscription marocaine ait été validée sans réserve constitue la preuve la plus évidente qu’aucune inscription antérieure algérienne du caftan n’existait.
Il faut également rappeler que la protection du Caftan marocain ne commence pas avec l’UNESCO. Bien avant cette inscription, le Maroc avait engagé des démarches internationales sérieuses pour protéger son patrimoine culturel. Le Royaume coopère notamment avec l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle, institution spécialisée des Nations Unies chargée de la protection des savoir-faire traditionnels et des expressions culturelles. Ce cadre vise à prévenir l’appropriation abusive, la dénaturation ou l’exploitation commerciale sans reconnaissance d’origine. Le patrimoine vestimentaire marocain, dont le caftan, a également été valorisé dans l’espace culturel islamique à travers les programmes de l’ISESCO, organisation internationale dont le Maroc et l’Algérie sont tous deux membres.

Ces démarches sont antérieures aux campagnes de communication actuelles. Or, malgré leur appartenance à ces organisations, les autorités algériennes n’ont jamais formulé de contestation institutionnelle à ces étapes-là. Ce silence passé est révélateur. Les protestations n’apparaissent que tardivement, dans un contexte politique tendu, après une inscription marocaine incontestable à l’UNESCO.
La chronologie est limpide. Le Maroc a construit, dans la durée, un dispositif cohérent de protection culturelle, juridique et patrimoniale du caftan. L’inscription à l’UNESCO en est l’aboutissement logique. Les tentatives actuelles de réécriture sémantique ne peuvent ni effacer les décisions onusiennes, ni tromper durablement l’opinion internationale.
Dans le système des Nations Unies (l’UNESCO agit dans le cadre du droit onusien), ce ne sont ni les communiqués, ni les slogans, ni la répétition qui font le droit. Ce sont les textes, les décisions et les archives publiques. Et sur ce terrain, le dossier du Caftan est sans équivoque.
Reste enfin une question simple, factuelle, et à laquelle chacun peut tenter de répondre honnêtement. Si l’UNESCO avait réellement reconnu une “primauté” algérienne dans l’inscription du caftan, si une telle décision avait effectivement été prise par le Comité intergouvernemental, pourquoi l’UNESCO elle-même n’a-t-elle pas féliciter l'Algérie à travers une publication sur ses plateformes officielles et réseaux sociaux, comme elle le fait systématiquement à chaque nouvelle inscription ou à chaque reconnaissance majeure ?
Cette absence de communication officielle n’est pas un détail. Dans le fonctionnement normal de l’UNESCO, toute inscription, toute extension reconnue, toute décision notable fait l’objet d’une publication claire, visible et archivée. Le silence de l’Organisation contraste fortement avec le bruit des communiqués politiques. Il pose une question fondamentale : comment expliquer qu’une reconnaissance internationale aussi présentée comme “majeure” n’ait laissé aucune trace institutionnelle du côté de l’instance censée l’avoir accordée ?
La réponse est en réalité beaucoup plus simple, et elle explique ce silence. L’Algérie n’a inscrit aucun nouvel élément, ni obtenu aucune reconnaissance de primauté. Elle s’est contentée d’ajouter le terme « caftan » dans la documentation descriptive d’un dossier déjà existant, celui intitulé « Le costume féminin de cérémonie dans le Grand Est de l'Algérie : savoir-faire associés à la confection et à la parure de la "Gandoura" et de la "Melehfa" ». Cette mention ne constitue pas une inscription autonome du caftan, ni une reconnaissance de son origine, ni une décision nouvelle de l’UNESCO. Elle décrit simplement l’usage, dans certaines régions, d’une tenue déjà reconnue par l’UNESCO comme élément du patrimoine culturel immatériel du Maroc.
Autrement dit, il ne s’agit pas d’une attribution, mais d’une référence contextuelle intégrée à un dossier vestimentaire distinct, centré sur d’autres pièces.
Dans un système onusien fondé sur la transparence, la traçabilité et les décisions écrites, ce qui n’est pas publié, archivé et assumé par l’institution elle-même n’existe tout simplement pas juridiquement. C’est cette réalité, plus que toute polémique, qui permet à chacun de distinguer entre une décision internationale authentique et une construction narrative destinée à l’opinion interne.











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