LA DYNASTIE ALAOUITE
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Depuis plus de trois siècles, la dynastie alaouite guide les destinées du Maghrib al-Aqsa, le Maroc, à travers des périodes de grandeur, d'épreuves et de transformation. Du règne audacieux de Moulay Isma‘īl, défiant les monarques européens, à la vision progressiste de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, propulsant le Maroc dans le XXIe siècle, les Alaouites ont tissé une histoire riche de résilience et de progrès. Cet article retrace leur parcours, des origines dans l'oasis du Tafilalt à leur rôle dans la modernisation d'une nation prête à s'intégrer au monde tout en préservant son âme culturelle.
Les origines d'une dynastie
La légende raconte que des pèlerins du Tafilalt, en route pour La Mecque, implorèrent un Chérif, descendant du Prophète Muhammad ﷺ, de s'installer dans leurs terres arides pour bénir leurs récoltes de dattes. L'histoire, tout aussi romanesque, évoque un Chérif audacieux quittant l'Arabie pour suivre les tribus Ma’qil vers l'Ouest. Au Moyen Âge, ses descendants s'établirent le long du Ziz, dans le Tafilalt, où leur maîtrise du Coran et leur prestige chérifien leur valurent le rôle d'arbitres entre tribus arabes et berbères. Pendant des siècles, cette autorité morale leur suffit, leur permettant de prospérer et de se répandre dans les ksours des vallées, posant les bases de leur future ascension.
Réunification et fondation
Le XVIIe siècle s'ouvrit dans le chaos, la peste emportant le dernier grand roi saadien, Ahmed al-Mansur, et fragmentant le Maroc en royaumes rivaux de Fès et Marrakech, eux-mêmes morcelés en petits émirats. De ce tumulte émergèrent les Alaouites, menés d'abord par Moulay Mohammed, puis par l'intrépide Moulay ar-Rashīd. Avec une poignée de fidèles, ce dernier soumit les tribus berbères loyales à la zaouïa de Dila, conquit Taza, et, après un affrontement avec les Turcs d'Alger, s'empara de Marrakech et Fès. Stratège habile et cavalier intrépide, il réunifia l'Empire, mais mourut tragiquement lors d'un tournoi, l'épée à la main.
Son frère, Moulay Isma‘īl, prit la relève et forgea l'État marocain tel qu'il perdura jusqu'au XXe siècle. Guerrier d'une force légendaire, capable, dit-on, de briser l'échine d'un cheval d'un coup de poing, il consacra quarante ans à pacifier le royaume. Bâtisseur de villes et de palais, il maniait lui-même la truelle et créa une armée redoutable, mêlant la garde ‘abid Bokhari et la cavalerie tribale. Pour sécuriser les frontières, il repoussa les avancées ottomanes à l'est et réaffirma son emprise sur le Sahara. Ses kasbahs, toujours debout, freinèrent les migrations tribales perturbatrices du sud. Depuis sa nouvelle capitale, Meknès, ornée de forteresses en pisé évoquant le Tafilalt, il garantit une sécurité telle qu'une femme ou un Juif pouvait, dit-on, traverser le royaume sans crainte. Apprenant qu'un Juif avait été molesté à la frontière, il s'exclama : « Comment les brigands osent-ils frapper à ma porte? » Malikite fervent, il scella l'unité par des mariages avec les grandes tribus, mais l'absence de règles de succession plongea le royaume dans le chaos après sa mort en 1727.
Commerce et consolidation
Au milieu du XVIIIe siècle, Sidi Mohammed ben ‘Abdallāh, petit-fils de Moulay Isma‘īl, rétablit l'ordre. Soucieux de justice et érudit, il transforma Essaouira en un port moderne pour capter le commerce transsaharien détourné par les Européens. Conçue par un architecte français, la ville fut dotée d'infrastructures maritimes et financières avancées. Sidi Mohammed conclut près de trente traités commerciaux avec les puissances européennes, conciliant le commerce avec le jihad maritime de la Course, imposé par sa foi et les menaces navales européennes. Il fortifia les ports côtiers et, méfiant des zaouïas divisives, promut le wahhabisme pour unifier la pratique religieuse, s'appuyant sur son savoir de faqih. Sa mort, cependant, vit son fils Moulay Yazid semer le trouble par son règne erratique, jusqu'à ce que les notables intronisent Moulay Sulaymān.
Isolement et déclin
Le XIXe siècle apporta des défis inquiétants. Les guerres napoléoniennes résonnaient sur les côtes marocaines, tandis que les incursions françaises en Égypte et sur le territoire nommé Algérie aujourd'hui, annonçaient une nouvelle ère impériale. Moulay Sulaymān, espérant protéger son royaume, l'isola en confinant les envoyés étrangers à Tanger et en interdisant aux Marocains de voyager en Europe. Mais la peste, la sécheresse et les conflits tribaux affaiblirent le pays. Sa promotion du wahhabisme, destinée à unifier, attisa les tensions avec les puissantes zaouïas, le contraignant à se retirer. Moulay ‘Abderrahmān affronta des défaites contre la France (1844) et l'Espagne (1859-1860), révélant l'obsolescence de l'armée et de l'économie marocaines. Les Marocains, sous-estimant les ambitions européennes, voyaient les actions françaises à Alger comme de simples représailles et combattaient avec des tactiques du XVIe siècle. Des réformes limitées, comme le proto-ministère des Affaires étrangères de Moulay ‘Abderrahmān ou l'envoi d'étudiants à l'étranger par Sidi Mohammed, échouèrent face à la pénurie de ressources, aggravée par l'indemnité de guerre espagnole de 1860.
Résistance et protectorat
Moulay Hassan, figure majeure de la fin du XIXe siècle, s'efforça de moderniser l'armée et d'affirmer la souveraineté, parcourant son royaume pour réprimer les révoltes nourries par la famine et les intrigues étrangères. Mais l'Entente cordiale de 1904 scella le destin du Maroc, partagé entre la France et l'Espagne. Les rêves ferroviaires de Moulay ‘Abdelaziz et la résistance conservatrice de Moulay Hafid ne purent enrayer la vague. En 1912, Moulay Hafid signa le traité de protectorat sous la pression française, abdiquant peu après. Moulay Yūsuf, intronisé en 1912, vit une modernisation par la France : routes, ports, réformes fiscales. Ses visites en France, explorant usines et fermes, traduisaient une quête de compréhension de la suprématie européenne.
Le chemin vers l'indépendance
Sidi Mohammed ben Yūsuf, couronné Sa Majesté le Roi Mohammed V en 1927, traça la voie de la liberté. Éduquant ses enfants aux côtés des esprits les plus brillants du Maroc, il mêla tradition et sciences modernes. Alors que les mouvements nationalistes s'amplifiaient dans les années 1930, il s'aligna avec les Alliés en 1939, rejetant les lois antijuives de Vichy et soutenant le débarquement américain de 1942. Promis à l'indépendance par Roosevelt à Anfa en 1943, il résista pacifiquement aux projets de cosouveraineté française, ce qui lui valut un exil à Madagascar en 1953. Son retour en 1955, célébré comme l'aube véritable de l'indépendance, culmina avec le traité de 1956. Sa Majesté le Roi Mohammed V modernisa le Maroc, instaurant la primogéniture, une assemblée consultative et une charte des libertés publiques en 1958, tout en promouvant l'éducation des femmes et en dévoilant sa fille Lalla ‘Aïcha comme symbole de progrès.
Défis et redressement
Feu Sa Majesté le Roi Hassan II, régnant de 1961 à 1999, navigua dans les fractures de la Guerre froide et les troubles internes. Les « années de plomb » furent marquées par des coups d'État mais sa Marche verte de 1975 récupéra pacifiquement le Sahara, restaurant l'unité nationale. Des amendements constitutionnels, la modernisation agricole via les barrages et un engagement pour la démocratie marquèrent son héritage. Communicateur hors pair, Feu Sa Majesté le Roi Hassan II s'exprimait en darija, ressuscita la djellaba et préserva le patrimoine architectural, tout en s'engageant à l'échelle mondiale pour la paix arabo-israélienne.
Une renaissance moderne
Depuis 1999, Sa Majesté le Roi Mohammed VI propulse le Maroc dans l'ère moderne. La rénovation urbaine, du Bou-Regreg à Rabat aux médinas revitalisées, reflète sa vision esthétique et sociale. Des infrastructures comme Tanger-Med et un réseau autoroutier national intègrent le Maroc aux marchés mondiaux, tandis que l'électrification rurale et l'accès à Internet réduisent les écarts. Les réformes de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, notamment la Moudawana renforçant les droits des femmes, effacent les injustices des « années de plomb » et favorisent un progrès inclusif. Les bidonvilles cèdent la place à des villes nouvelles comme Tamesna, ancrées dans l'histoire mais tournées vers l'avenir, alors que le Maroc embrasse la mondialisation sans perdre son identité.
La dynastie alaouite, de ses origines à Tafilalt au règne de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, a façonné le destin du Maroc par l'unité, la résilience et l'adaptation. De l'empire fortifié de Moulay Isma‘īl à la libération de Feu Sa Majesté le Roi Mohammed V et à la vision moderne de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, les Alaouites ont su conjuguer tradition et progrès. Aujourd'hui, le Maroc brille en Afrique du Nord, ses villes s'épanouissent, son peuple s'élève, et son avenir s'annonce radieux sous l'égide de cette dynastie pérenne.
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