LA NOTION DE CHÉRIFAT
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De l'arabe sharīf : titre donné à celui qui se distingue par l'honneur, la gloire, la noblesse de sa personne et de son lignage. Le sharīf occupant un haut rang social, on comprend donc que ce titre ait été revendiqué en propre par une famille illustre entre toutes, celle du Prophète Muhammad ﷺ, les Banū Hāshim. (Jusqu'à ce jour, les Hāshimites portent le titre de sharīf.)
Les deux principaux chérifats (ou pays commandés par un descendant de la famille du Prophète Muhammad ﷺ) sont ceux de La Mekke et du Maroc. Au xe siècle, avec le déclin des ‘Abbāsides, une branche ‘alīde (descendant d'‘Alī, cousin et gendre du Prophète Muhammad ﷺ) s'attribue le gouvernement de La Mekke. Ces sharīf vont, à travers bien des vicissitudes, se maintenir au pouvoir jusqu'au sharīf Ḥusayn. L'action de ce dernier pendant la Première Guerre mondiale est bien connue (T. E. Lawrence, Les Sept Piliers de la sagesse), mais, comme il tente ensuite de se faire reconnaître roi des pays arabes et calife, Ḥusayn est chassé de La Mekke par le sultan du Nāghd, al-Sa‘ūd. Néanmoins, son fils Fayṣal fondera en 1921 le royaume d'Irak et son autre fils, ‘Abd Allāh, celui de Jordanie. C'est vers la fin du XIIIe siècle que des sharīf viennent constituer un chérifat au Maroc. Ce sont les ancêtres de deux dynasties : la dynastie sa‘dienne, qui règne sur le Maroc aux XVIe et XVIIe siècles, et la dynastie ‘alawide, du XVIIIe siècle à nos jours.
Le chérifat dans le contexte marocain
Historiquement, plusieurs dynasties marocaines ont revendiqué le chérifat pour asseoir leur autorité. C’est le cas, entre autres, des Saadiens (16e siècle) et des Alaouites, la dynastie régnante actuelle. Les Alaouites, au pouvoir depuis le XVIIe siècle, sont originaires de Tafilalet, au sud-est du Maroc, et affirment leur descendance du Prophète Muhammad ﷺ par la voie de son petit-fils Hassan. Cette filiation fait de SM le roi Mohammed VI un commandeur des croyants (Amir Al-Mouminine), un titre unique dans le monde musulman aujourd’hui, qui allie autorité temporelle et leadership spirituel.
Une légitimité double : politique et religieuse
Le chérifat ne se limite pas à une ascendance généalogique. Il est également un symbole d’unité nationale, de continuité de l’État, et de lien direct entre la monarchie et la population. Dans l’imaginaire collectif marocain, le chérif est garant des valeurs de l’islam sunnite malikite et de l’héritage prophétique.
Cette légitimité spirituelle est renforcée par le rôle du Roi dans les affaires religieuses : il préside les prières, nomme les oulémas, supervise les fondations religieuses, et incarne une vision de l’islam tolérant, modéré et enraciné dans la culture marocaine.
Enjeux contemporains
Dans un contexte régional troublé, où les références religieuses sont souvent instrumentalisées, le chérifat alaouite reste un facteur de stabilité, de modération et de résistance face aux courants extrémistes. Il permet aussi au Maroc de jouer un rôle de médiateur et de leader spirituel en Afrique et dans le monde musulman.
Sources : Le Maroc médiéval : Empire, société et religion (XVe–XVIIe siècle)" Auteur : Bernard Rosenberger - "Le Royaume du Maroc et ses institutions" Auteur : Abdelhadi Tazi - "Islam et pouvoir politique au Maroc" Auteur : Rémy Leveau - "La dynastie chérifienne au Maroc : genèse, symboles et pouvoir" Auteur : Zakya Daoud - "Histoire du Maroc" Auteur : Michel Abitbol - Al-Istiqsa li-Akhbar duwal al-Maghrib al-Aqsa Auteur : Ahmad ibn Khalid al-Nasiri (XIXe siècle).
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