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LA RÉPUBLIQUE DU BOUREGREG


Bien qu'éphémère et même contestée par certains historiens, de 1627 à 1668, la République du Bouregreg (ou Diwan selon les sources arabes) formera une parenthèse particulière dans l'histoire du pays et, au niveau mondial, nourrira des siècles durant l'imaginaire utopique égalitaire et démocratique né en réaction à l'absolutisme de droit divin des monarchies européennes de l'époque. La République du Bouregreg, cité ouverte, sera prise pour modèle par le mouvement de contre-culture américain des années 1960, notamment par l'écrivain politique américain Hakim Bay (de son véritable nom Peter Lamborn Wilson), dans son fameux concept de « Zone d'Autonomie Temporaire ».


Dans les faits, comme le rappelle Leila Maziane, auteur du livre de référence en la matière, Salé et ses corsaires (1666-1627), un port de course marocain au XVIIe siècle, Salé, forte de son activité de course florissante et profitant de la faiblesse du pouvoir en place, s'érige en république indépendante de toute tutelle makhzénienne. La Kasbah de Salé (actuelle Oudayas) devient la capitale de ce nouvel Etat composé des trois cités - la Kasbah, Salé-le-Neuf et Salé-le-Vieux - où le pouvoir appartient à un gouverneur élu annuellement et assisté d'un conseil (appelé Diwan) composé de seize membres. 10% des butins rapportés par les pirates reviennent à cette autorité locale alors que l'armateur (souvent juif) et l'équipage se partagent le reste. Les activités portuaires sont aux mains des familles de l'élite locale, soit andalouses, soit homachéros ».


Parmi ces familles, nous pouvons citer les Aouad, les Bargach, les Benaïcha, les Candil, les Fennich, les Maaninou, les Hakam, les Cérone, les Perez, les Semmar. Mais à Salé-le- Neuf, on, compte aussi des Raïs renégats français, britanniques, allemands, belges, espagnols, hollandais, polonais, suédois et ottomans. Salé constitue une mosaïque inédite. Aujourd'hui encore, on peut en retrouver des traces dans l'ADN même des familles r'baties et slaouies, chacune comptant un frère, un oncle ou un cousin aussi roux qu'un Irlandais de souche.


Bien que guerroyant contre l'ensemble des Etats européens, les pirates de Salé n'en concluent pas moins des traités de paix avec eux. Traités qui, pour la plupart, sont violés avant même que l'encre ne sèche. Toujours est-il que ces traités forment les premiers contacts diplomatiques du Maroc avec l'étranger. Et ceci, grâce à cette communauté andalouse salétine, véritables émirs al bahr (émirs de la mer, origine du mot « Amiral ») qui maîtrise le castillan, langue par excellence des marins, et qui est au fait des moindres us et coutumes européens.


Cependant des luttes intestines entre les différentes communautés ou bien entre la Kasbah et Salé-La-Neuf brouillent la concorde républicaine. Ainsi une guerre civile en 1630 a éclaté entre les riches Hornacheros de la Kasbah et les plus modestes Andalous de la ville basse, il faut l’intervention de l’ambassadeur anglais pour que la guerre cesse. Ensuite en 1636, les Andalous de nouveau se révoltent et chassent les Hornacheros de la cité, il a fallu le bombardement de la Kasbah par la flotte anglaise pour avoir un cessez-le-feu.


Toutes ces divisions permettent aux puissances étrangères d’intervenir dans les affaires intérieures de la République des corsaires, et surtout le sultan convoite de réintégrer Salé-La-Neuf, une première tentative a lieu en 1638, mais les soldats du sultan sont repoussés, puis un siège de 1660 à 1664 permet la chute de la Kasbah, la dynastie alaouite devient durant cette décennie de plus en plus puissante, la victoire de Moulay Rachid fût complété par la prise de Zaouïa de Dila en 1668 qui met un terme à l’aventure républicaine du Bouregreg.


Les corsaires républicains d’Andalousie, d’Hollande, d’Angleterre et de Navarre ont été les acteurs d’un épisode historique inédit au Maroc qui a permis par la suite au sultan Moulay Ismaïl d’avoir une flotte conséquente de corsaires qui navigue dans tout l’Océan Atlantique et qui peut intervenir sur toutes les côtes européennes qui lui assurent richesse et puissance.

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