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22 AVRIL 1960, LETTRE AU PRÉSIDENT EISENHOWER

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22 AVRIL 1960, LETTRE AU PRÉSIDENT EISENHOWER

En pleine guerre d’Algérie, SM le Roi Mohammed V a joué un rôle actif pour défendre la cause des peuples en lutte pour leur liberté. Le 22 avril 1960, il adresse une lettre solennelle au président américain Dwight D. Eisenhower. Dans ce document historique, le Souverain marocain plaide pour l’arrêt des hostilités, souligne les dangers de ce conflit pour la paix mondiale et appelle les États-Unis à convaincre la France d’accélérer le processus d’autodétermination du peuple algérien.


Louanges à Dieu seul ! Rien ne dure sinon Son royaume.


De Mohammed V, Roi du Maroc, à Son Excellence M. Dwight Eisenhower, Président de la République des États-Unis d’Amérique


Votre Excellence,


Vous savez que la guerre qui se déroule depuis six ans en Algérie occupe Notre esprit et retient Notre attention au plus haut point, car son but est de priver le peuple algérien de son droit naturel à la vie et à la liberté. Ce droit a été reconnu par les représentants des Nations Unies pour l’ensemble des peuples, sans discrimination ni exception.


De plus, cette guerre menace la paix et déstabilise cette région sensible de la planète. Elle a par ailleurs des conséquences importantes sur la sécurité de Nos frontières et la tranquillité de Notre peuple.


L’ensemble des peuples du monde et en premier lieu le peuple américain et le Nôtre se sont réjouis lorsque le gouvernement français et le gouvernement provisoire de la République algérienne ont accepté, au mois de septembre 1959, le principe de l’autodétermination (taqrīr al-maṣīr) comme base d’un règlement pacifique pour le problème algérien. Mais, en dépit de tous les efforts fournis par ceux qui, dans le monde, sont attachés à la liberté, à la paix et à la coopération, il n’y a actuellement aucun signe que ce principe puisse prochainement être mis en œuvre.


Les espoirs ont été déçus, et le pessimisme a de nouveau gagné les âmes. La guerre continue de plus belle en Algérie, allongeant la liste des victimes, accroissant les pertes et les destructions.


C’est pourquoi, à l’occasion de la visite du président de la République française aux États-Unis, Nous avons souhaité rappeler les conséquences néfastes de la guerre en Algérie pour l’humanité tout entière. Nous regrettons l’appui moral et l’aide concrète dont bénéficie la France de la part de certains États, qui l’encouragent fortement à empêcher le peuple algérien de gagner sa liberté, et à poursuivre cette guerre que la France mène seule, isolée dans le monde.


Ces soutiens nuisent à la réputation de bonté acquise par ces États au cours de leur histoire admirable, du fait de leur attachement aux principes de liberté, d’égalité et de justice. Ils remettent également en question les hautes valeurs auxquelles leur peuple adhère.


Il est certain que les États-Unis tireraient fierté, honneur et prestige en travaillant au rétablissement de la paix en Algérie et en convainquant la France d’accélérer la résolution du problème algérien, conformément à l’aspiration du peuple algérien à jouir de la liberté et de l’indépendance.


Nous sommes, pour Notre part, convaincu que vous chérissez la liberté et la paix, et avez confiance dans les valeurs nobles sur lesquelles repose l’existence de votre peuple. Nous pensons que votre intervention auprès du gouvernement français pourrait être précieuse pour mettre un terme à l’effusion de sang, et qu’elle contribuera à la stabilité mondiale et à l’apaisement des craintes et des menaces qui tourmentent certains pays et peuples du fait de la guerre d’Algérie.


Soyez assuré, honorable Président, de Notre vive affection et de l’estime que Nous portons, Nous et Notre peuple, à votre personne et au grand peuple américain.


Fait au Palais Royal de Rabat, le 25 Šawwāl 1379, correspondant au 22 avril 1960.

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