Cette publication aura pour objectif de répondre à une question à laquelle sont confrontées beaucoup de marocains face aux propagandes venant toujours du même courant : les mouches électroniques algériennes.
On oppose depuis Lyautey le Maroc moderne au Vieux Maroc, comme si son action avait été assez déterminante et pérenne pour engager un mouvement irréversible de transformation de la société marocaine. Sans entrer dans les détails, il ne fait guère de doute que l'action directe, mûrement réfléchie, et volontariste, que le général Hubert Lyautey a appliquée durant son proconsulat marocain de 1912 à 1925, a profondément changé le Maroc.
Acculés et criblés de dettes, sans armée et ayant perdu le contrôle de leur territoire, voire de leur économie, les sultans alaouites ont signé un pacte faustien pour sauver leur pouvoir, et se placer sous la protection de la France, la grande puissance africaine et méditerranéenne d'alors. À charge pour elle, la tâche échéant en avril 1912 à son représentant le général Lyautey, de reconstruire un Maroc moderne, mais dans l'épure et le respect des traditions politiques et islamiques chérifiennes.
Pour le bonheur des Alaouites, Lyautey était un monarchiste et légitimiste convaincu, admirateur de la société d'Ancien Régime, voire de la féodalité, à laquelle il assimila le Maroc, avec le constant souci de lui épargner les affres d'une Révolution à la française ou à l'algérienne, un modèle colonial qu'il abhorrait. De sorte que le sultanat bénéficié d'une opération de sauvetage peu commune : il s'agissait en effet ni plus ni moins de conserver une civilisation, en la consolidant afin qu'elle échappât à la lame de fond de la modernité. En quelques années, la résidence générale a pris le bras des Alaouites pour les guider d'un Moyen Âge tardif au xx siècle naissant le plus moderne. Le Maroc et les Marocains ont découvert d'un coup l'imprimerie, le moteur à explosion, le train, l'avion et l'électricité.
Cela n'aurait pas été possible sans un pas de deux complexe entre le résident général Hubert Lyautey, qui se présentait en premier serviteur du sultan Moulay Youssef, et le trône alaouite, très vite conscient, en dépit de son impuissance momentanée, de sa chance historique. Les divergences entre les deux pôles du pouvoir d'État n'éclatent qu'après la Seconde Guerre mondiale, et se muent en conflit maîtrisé de décolonisation. Mais rien, dans les fondamentaux posés par Lyautey, n'est jamais officiellement remis en cause. La monarchie a assumé la « pacification » opérée par l'armée coloniale, et la France a remis au Maroc, comme annoncé par Lyautey, un État désendetté, restructuré, doté d'un appareil étatique et militaire incomparable à celui de 1912.
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