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NOVEMBRE 1918, LETTRE DU SULTAN YOUSSEF À LA FRANCE

  • 22 août
  • 3 min de lecture
Lettre sultan Youssef France 1918

À la fin de la Première Guerre mondiale, alors que la France sort victorieuse du conflit et que le Maroc vit encore sous le régime du Protectorat, SM le Sultan Moulay Youssef fit entendre une voix ferme et lucide. Dans une lettre officielle adressée au président de la République française, il rappela avec dignité la singularité de l’Empire chérifien et dénonça les accords internationaux conclus sans son assentiment, accords qui avaient restreint la souveraineté marocaine et divisé le territoire national.


Ce document, daté du 30 novembre 1918 (25 ṣafar 1337), témoigne de la constance du Maroc à défendre son intégrité territoriale et à refuser toute atteinte à l’autorité du Makhzen. Le Sultan y exprime non seulement son attachement à l’unité de son Royaume, de Tanger à Ouezzane, mais aussi sa détermination à rétablir la plénitude de sa souveraineté.


Ce sceau de Moulay Youssef n’est pas une simple correspondance diplomatique : il s’agit d’un acte de résistance politique et symbolique, qui réaffirme la légitimité historique de la Monarchie marocaine, même dans un contexte d’occupation étrangère.


[Sceau de Sa Majesté Moulay Youssef, Sultan du Maroc]


De la part du commandeur des croyants, fils du commandeur des croyants, fils du commandeur des croyants, fils du commandeur des croyants, fils du commandeur des croyants, fils du commandeur des croyants, fils du commandeur des croyants, fils du commandeur des croyants.


Au glorieux président de la Grande République française.


Louange à Dieu qui, par l'effet de Son pouvoir suprême, accorde la victoire au droit et donne à Ses créatures l'aide de sa puissance intangible.


Au milieu de l'allégresse soulevée dans Notre Empire par la défaite irrémédiable de l'ennemi commun, Nous tenons à exprimer directement à Votre Excellence la joie profonde que Nous avons ressentie de la victoire des armées de la République française, dont la gloire est aujourd'hui partagée par Nos propres soldats.


L'approche de l'heure des négociations qui vont sceller notre victoire et fixer la situation des nations Nous fait un devoir impérieux de joindre Notre voix aux autres revendications légitimes qui s'élèvent parmi les peuples à la faveur du triomphe du droit.


C'est dans cette pensée que Nous venons exposer au chef éminent du glorieux Gouvernement français la situation désavantageuse faite à notre pays par des accords internationaux qui sont intervenus avant Notre accession au trône, accords que Nous n'avons pas été appelé à ratifier et qui ont eu pour effet d'entraver l'exercice de Notre souveraineté sur l'Empire de Nos ancêtres vénérés.


La division du territoire marocain en deux zones a, sans aucun doute, amoindri Notre autorité, en la limitant effectivement à la zone française. Quant à l'autre zone, elle échappe même à Notre contrôle, du fait que le Gouvernement espagnol y a installé des autorités marocaines indépendantes du Makhzen et n'obéissant qu'à un chérif de Notre maison qui, bien qu'étant Notre khalifa, n'entretient aucun rapport avec Nous et se pare abusivement des attributs d'une souveraineté qui n'appartient qu'à Notre Majesté.


Cette situation, déjà regrettable en elle-même, s’est aggravée pendant la guerre, du fait que les sujets ennemis résidant en zone espagnole y ont fomenté des entreprises criminelles contre Notre Empire, fournissant des subsides et des armes aux tribus dissidentes, venant eux-mêmes combattre dans leurs rangs, puis trouvant dans ladite zone un refuge contre la poursuite de Nos soldats et des troupes françaises. À cette heure encore, et malgré l'armistice, ces sujets ennemis n'ont pas désarmé et continuent leurs actes d'hostilité en soutenant les éléments dissidents de la région d'Ouezzan. Or, si le Maroc était resté ce qu'il était auparavant, les ennemis n'auraient pu demeurer sur son territoire pour répandre leurs excitations parmi les habitants.


Enfin, les accords internationaux dont il s'agit ont eu pour résultat de soustraire Tanger à Notre autorité effective, en isolant au milieu de la zone espagnole cette ville impériale, dont le caractère Makhzen était et demeure consacré par la présence des agents diplomatiques étrangers accrédités auprès de Notre Majesté. Or, la question du retour de Tanger sous Notre autorité souveraine pleine et entière se trouve au premier rang de Nos préoccupations.

Telles sont les revendications qu'il Nous a semblé juste de mettre sous les yeux de Votre Excellence afin que, les ayant examinées avec le soin qu'elles comportent, il plaise au glorieux Gouvernement de la République de les soutenir en demandant la révision de ces accords internationaux qui sont également incompatibles avec Notre prestige chérifien et la sécurité de Notre territoire.


Ces revendications légitimes n'ont jamais cessé d'occuper Notre pensée. Mais, si la guerre Nous a jusqu'ici empêché de les formuler, la victoire Nous fournit aujourd'hui l'occasion de les faire valoir auprès de la Nation protectrice, qui a garanti l'exercice de Notre souveraineté et l'intégrité de Notre Empire fortuné.


C'est à Dieu que nous demandons toute aide et assistance.


Salut !


Le 25 ṣafar 1337, correspondant au 30 novembre 1918.

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