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ENTRE LIBERTÉ ET RESPONSABILITÉ, PEUT-ON TOUT DIRE SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX ?

  • 26 oct.
  • 5 min de lecture
ORGANISER LE DÉBAT MAROCAIN POUR CONSTRUIRE, PAS POUR DÉTRUIRE

Le débat public est l’un des marqueurs essentiels d’une société vivante. Au Maroc, il a toujours existé, sous des formes variées. Autrefois, il se tenait dans les mosquées, les médersas et les places publiques, autour des lettrés, des oulémas et des notables. Aujourd’hui, il s’exprime dans les cafés, sur les réseaux sociaux et dans les médias numériques. Cette vitalité est une richesse. Mais elle n’est pas sans risques, car mal orientée, elle peut se retourner contre l’intérêt supérieur de la Nation.


On distingue aujourd’hui deux grands registres du débat marocain. Le premier est tourné vers les affaires intérieures : éducation, santé, logement, emploi, infrastructures. Ces thématiques concernent directement le bien-être des Marocains et appellent des propositions, des critiques constructives et des réflexions citoyennes. Le second registre est tourné vers l’extérieur : il consiste à répondre aux attaques, à déjouer les campagnes hostiles, en particulier celles venues d’Algérie, et à affirmer la souveraineté du Maroc. Dans ce cas, l’audience ne se limite pas aux Marocains ; elle inclut aussi souvent des Algériens, des observateurs étrangers et parfois même des officines organisées de désinformation.


C’est ici que naît une question centrale : peut-on tout dire, à n’importe quel moment, sans distinction entre les auditoires ?


Le philosophe allemand Jürgen Habermas, dans sa théorie de l’“espace public”, rappelle que le débat est un outil de délibération collective. Mais il suppose des conditions : un auditoire homogène, une recherche du bien commun et une compréhension partagée du cadre institutionnel. Si ces conditions disparaissent, le débat devient un champ de distorsion où la parole peut être détournée de son objectif. Pierre Bourdieu, quant à lui, parlait de “violence symbolique” : certains mots, dans certains contextes, deviennent des armes, même involontairement.


Appliquons cela au Maroc. Lorsqu’un citoyen marocain s’exprime sur une difficulté nationale, par exemple le système de santé, devant un auditoire exclusivement marocain, il accomplit un devoir citoyen : identifier un problème pour l’améliorer. Mais si cette même critique est entendue et amplifiée par nos adversaires, elle se transforme en munition contre notre pays. Elle alimente la propagande hostile qui cherche à présenter le Maroc comme un État en crise, incapable de répondre aux besoins de son peuple.


L’histoire récente nous donne des exemples concrets. Dans les années 1990, alors que Feu SM le Roi Hassan II conduisait le Maroc vers une transition politique délicate, certains rapports internationaux ont utilisé des critiques internes marocaines pour noircir l’image du pays. Plus récemment, les “mouches électroniques” algériennes ont transformé de simples débats citoyens sur le coût de la vie en slogans accusateurs, les présentant comme des “révoltes populaires” inexistantes. Autrement dit, des paroles prononcées sans arrière-pensée à l’intérieur se sont muées en armes de propagande à l’extérieur.


Il faut donc poser la question de la responsabilité. Un citoyen marocain est libre d’exprimer son opinion. Mais cette liberté doit s’accompagner de conscience : à qui parle-t-on ? et avec quel effet ? La Constitution marocaine reconnaît la liberté d’expression mais encadre aussi la responsabilité collective, car la souveraineté nationale et l’unité du pays ne peuvent être compromises par l’imprudence d’un mot.


Le Maroc garantit la liberté d’opinion et d’expression. L’article 25 de la Constitution de 2011 affirme :

« La liberté d’opinion et d’expression sous toutes ses formes est garantie. »

Mais cette liberté s’exerce dans le cadre de la loi. Le Code de la presse et de la publication (loi 88-13), tout comme le Code pénal, interdisent les propos portant atteinte à la religion islamique, à la Monarchie, à l’intégrité territoriale ou à la dignité des citoyens. La liberté d’expression n’est donc pas une liberté sans limites, mais une responsabilité partagée.


Et cette responsabilité est d’autant plus grande que les réseaux sociaux ne sont plus un espace privé : une parole publiée en ligne devient une parole publique, accessible au monde entier. Ce qui est dit pour un public marocain peut être entendu, détourné ou instrumentalisé à l’étranger. On va donc tolérer la parole mais avec conscience, mesure et respect.


C’est d’ailleurs un principe profondément enraciné dans notre culture et notre foi. Nos ancêtres nous ont appris la pudeur dans la parole : on ne règle pas nos affaires de famille devant les invités. On ne dévoile pas nos blessures à ceux qui s’en réjouiraient. Au Maroc, cette pudeur n’est pas une faiblesse, c’est une sagesse héritée.


Le Prophète Muhammad ﷺ a dit :

« مَنْ كَانَ يُؤْمِنُ بِاللّٰهِ وَالْيَوْمِ الآخِرِ فَلْيَقُلْ خَيْرًا أَوْ لِيَصْمُتْ »
Man kāna yu’minu billāhi wa al-yawmi al-ākhir fal-yaqul khayran aw liyasmut — “Que celui qui croit en Dieu et au Jour dernier dise du bien, ou qu’il se taise.”

La ḥayâ’ (pudeur) est une lumière, un rempart moral qui protège la cohésion, la dignité et la réputation du foyer comme de la nation. Dans nos familles, dans nos médersas comme dans nos cafés, cette sagesse s’est transmise : on parle pour construire, jamais pour détruire.


Il ne s’agit pas de museler la critique. Bien au contraire. Le Maroc a besoin de débats constructifs sur ses politiques publiques, sur la répartition des responsabilités entre SM le Roi Mohammed VI, le gouvernement et les collectivités locales. Mais encore faut-il que la critique soit éclairée. Trop souvent, certains s’indignent sans comprendre l’architecture institutionnelle : ils reprochent à tort, au père de la nation, SM le Roi ce qui relève des ministères, blâment le gouvernement pour ce qui relève des conseils communaux et confondent les niveaux de décision. Une critique sans maîtrise n’est pas seulement inutile ; elle devient dangereuse, car elle crée une fausse image de l’État et brouille la compréhension collective.


Prenons un exemple concret. Lors de la gestion du séisme d’Al Haouz en 2023, certains internautes ont accusé à tort le gouvernement de lenteur, alors même que les secours relevaient d’une coordination directe de SM le Roi Mohammed VI et des Forces Armées Royales. Ces critiques, mal orientées, ont été reprises par des médias hostiles pour attaquer la Monarchie elle-même. Ce qui devait être un débat citoyen sur la gestion des catastrophes s’est transformé en outil de propagande extérieure.


L’Islam, dans sa tradition malikite, a toujours privilégié la réforme par la sagesse (al-ḥikma) et la critique par la bienveillance. Dénoncer un mal ne signifie pas l’exposer au monde entier ; cela veut dire chercher à le corriger dans la dignité. Nos ancêtres disaient : “Celui qui aime sa maison en ferme la porte avant de régler ses problèmes.” Aujourd’hui, cette maison, c’est le Maroc. Et la fermer symboliquement, c’est protéger notre image, notre unité et notre souveraineté.


L’objectif du débat n’est pas seulement de protester, mais de produire un impact concret : éveiller les consciences, orienter l’action collective, encourager des réformes. Un discours qui ne produit ni réforme ni prise de conscience constructive se réduit à du bruit. Pire encore, il devient une arme offerte à nos adversaires.


En conclusion, le Maroc a besoin de débats, mais de débats intelligents, maîtrisés et orientés. Nos paroles doivent accompagner le développement national, éclairer les citoyens sur le fonctionnement de nos institutions et défendre notre image contre la désinformation. Parler sans nuance, c’est semer la confusion. Parler avec discernement, c’est construire. Et dans le Maroc de SM le Roi Mohammed VI, où les réformes structurelles avancent et où le pays rayonne sur l’Afrique et le monde, le rôle de chaque citoyen est clair : faire de sa parole un outil de progrès, et non un cadeau offert à nos adversaires.

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