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QUAND MOSCOU TOURNE LE DOS À ALGER

  • 12 mai
  • 4 min de lecture

L’Algérie, autrefois perçue comme un partenaire privilégié de la Russie, traverse une crise diplomatique sans précédent. Lors des célébrations grandioses du 80e anniversaire de la victoire sur l’Allemagne nazie à Moscou, l’absence remarquée de toute délégation algérienne a sonné comme un camouflet. Ce désaveu, orchestré par un allié historique, révèle l’isolement croissant d’un régime algérien en perte de repères, miné par des tensions régionales et une gestion erratique. Cet article explore les raisons et les implications de cette gifle géopolitique, qui expose les fragilités d’une Algérie à la dérive.

Les 9 et 10 mai 2025, Moscou a vibré au rythme des commémorations du « Jour de la Victoire », marquant la capitulation nazie en 1945. Dans une mise en scène fastueuse, Vladimir Poutine a accueilli 29 chefs d’État et de gouvernement, parmi lesquels Xi Jinping, Lula da Silva, ou encore Abdelfattah al-Sissi. La parade militaire sur la Place Rouge et les réceptions officielles ont servi de vitrine pour la Russie, qui, en pleine confrontation avec l’Occident, a tenu à afficher ses alliances. Des figures comme Khalifa Haftar, commandant de l’Armée nationale libyenne, et Ibrahim Traoré, président du Burkina Faso, étaient présentes, soulignant l’élargissement du cercle des partenaires russes.


Mais un grand absent a marqué les esprits : l’Algérie. Aucun représentant, qu’il s’agisse du président Abdelmadjid Tebboune, d’un ministre ou d’un officier militaire, n’a été convié. Ce camouflet est d’autant plus cinglant que l’Algérie se targue depuis son indépendance d’être un allié stratégique de Moscou, notamment via des contrats d’armement colossaux. Cette exclusion publique, lors d’un événement hautement symbolique, envoie un message sans équivoque : pour la Russie, l’Algérie n’est plus un partenaire de confiance.


L’invitation de figures comme Haftar et Traoré, perçus comme des adversaires directs d’Alger, amplifie l’humiliation. Khalifa Haftar, que Tebboune a publiquement critiqué, et Ibrahim Traoré, membre de l’Alliance des États du Sahel (AES) en rupture diplomatique avec l’Algérie, ont été reçus avec les honneurs. Ce choix délibéré de Poutine semble indiquer un soutien clair aux rivaux d’Alger, reléguant l’Algérie à un statut de paria. Cette mise à l’écart fait suite à d’autres revers, comme le refus catégorique de la Russie, en août 2023, d’intégrer l’Algérie aux BRICS. À l’époque, Sergueï Lavrov avait pointé du doigt le manque de poids économique et d’influence régionale de l’Algérie, un jugement qui résonne encore aujourd’hui.


Pour les analystes, ce désaveu s’inscrit dans une logique plus large. « La Russie privilégie des alliés fiables, capables de cohérence stratégique. Or, le régime algérien, sous Tebboune et le général Saïd Chengriha, se distingue par son imprévisibilité et son manque de vision », explique un expert des relations nord-africaines. Les tensions avec le Maroc, la France, l’Union européenne, et les pays du Sahel ont fragilisé la position d’Alger, rendant son partenariat avec Moscou moins stratégique.


L’Algérie reste l’un des principaux clients de l’industrie d’armement russe, avec des dépenses estimées à 25 milliards de dollars pour 2025. Cette dépendance, loin de renforcer sa position, la rend vulnérable. « Un simple arrêt des livraisons de pièces détachées pourrait paralyser l’arsenal algérien, transformant des équipements sophistiqués en reliques inutiles », note un observateur. Cette relation déséquilibrée, où l’Algérie investit massivement sans obtenir de garanties politiques, expose les failles d’une diplomatie qui mise tout sur le hard power au détriment d’alliances solides.


La perte de la Russie comme allié stratégique prive l’Algérie d’un soutien crucial au Conseil de sécurité de l’ONU, où Moscou dispose d’un droit de veto. Cette rupture intervient à un moment où Alger, en conflit avec une grande partie de son voisinage, n’a plus de marge de manœuvre. Le régime, qui se voulait un acteur incontournable en Afrique et dans le monde arabe, apparaît aujourd’hui isolé, incapable de mobiliser des soutiens face à une crise potentielle.


L’isolement de l’Algérie s’accompagne d’une crise interne, marquée par l’instabilité de son leadership. Abdelmadjid Tebboune, âgé de 80 ans, est dépeint comme un dirigeant impulsif et imprévisible. Une récente enquête du Journal du Dimanche révèle un président colérique, dont les sautes d’humeur paralysent son entourage. « Son tempérament volcanique, exacerbé par l’arrêt de l’alcool et du tabac, terrorise les cercles du pouvoir », confie un ancien ministre. Ces traits de caractère, loin de l’image d’un chef d’État stratège, aggravent la perception d’un régime en perdition.


Dans une tentative désespérée de compenser la perte de l’appui russe, l’ambassadeur algérien Sabri Boukadoum a multiplié les démarches auprès des États-Unis, promettant des concessions en matière de coopération militaire. Mais cette volte-face, qui rompt avec des décennies de doctrine pro-russe, semble illusoire. « Comment convaincre Washington, qui observe avec méfiance l’hystérie diplomatique d’Alger, alors que même Moscou, un partenaire historiquement conciliant, s’en est détourné? » s’interroge un diplomate occidental.


L’Algérie ressemble aujourd’hui à un navire à la dérive, sans boussole ni destination. En conflit avec le Maroc, la Libye, les pays du Sahel, et en froid avec la France et l’Union européenne, elle a dilapidé son capital diplomatique. La perte de la Russie, dernier rempart d’une crédibilité internationale déjà entamée, laisse le pays exposé. Les appels à une « mobilisation générale » lancés par Tebboune, loin de rassurer, traduisent une panique face à un isolement total.


Le parallèle avec la Russie de Boris Eltsine, marquée par l’instabilité et la perte d’influence, est frappant. Mais à la différence de la Russie des années 1990, l’Algérie de 2025 n’a ni les ressources ni les perspectives pour se relever rapidement. Le régime, prisonnier de ses contradictions et de ses choix impulsifs, semble condamné à une marginalisation durable.


L’exclusion de l’Algérie des célébrations du Jour de la Victoire à Moscou marque un tournant dans son déclin géopolitique. Jadis pilier du non-alignement et partenaire clé de la Russie, le pays se retrouve aujourd’hui isolé, trahi par ses propres erreurs stratégiques. Sous la houlette d’un président imprévisible, l’Algérie paie le prix de son inconstance et de son incapacité à tisser des alliances durables. Alors que ses rivaux régionaux gagnent en influence, elle s’enfonce dans une solitude diplomatique qui menace sa stabilité. Sans un changement radical de cap, l’Algérie risque de sombrer davantage, devenant un symbole tragique d’un potentiel gâché.

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