Né à Rabat le 9 juillet 1929, Moulay Hassan reçoit une éducation orientale et européenne, puis obtient une licence et un diplôme des hautes études de droit à la faculté de Bordeaux. Associé dès son plus jeune âge à la cause du nationalisme marocain, il partage avec son père les vicissitudes de son engagement politique et l'énorme prestige populaire conquis dans cette épreuve.
Désigné en 1957, puis investi officiellement prince héritier, il exerce, jusqu'à la disparition subite de Mohammed V en février 1961, d'importantes responsabilités politiques et militaires qui révèlent de réelles aptitudes à gouverner. Solennellement intronisé avec l'accord des Chorfas alaouites, des oulémas et des autorités du pays, il inscrit son action politique dans la trace des principes et des objectifs définis par son père. Il fait adopter en 1962 une Constitution qui codifie l'autorité religieuse du roi et la suprématie institutionnelle de la monarchie au sein d'un cadre parlementaire et d'un multipartisme dont l'expérience tourne court en 1965. Instaurant l'état d'exception, Hassan II concentre tous les pouvoirs autour du palais et d'un réseau d'élites administratives tissé sous l'égide du ministre de l'Intérieur. L'absolutisme royal devient la trame d'un système qui s'accommode d'une corruption intensive, d'une répression sélective et d'un enrichissement outrancier. La nouvelle Constitution de 1970 pérennise un régime autocratique et profondément inégalitaire.
En 1971 et 1972, les attentats manqués d'une fraction des militaires, jusqu'ici solide alliée du trône, décident le roi à entamer un dialogue politique avec l'opposition. La révision constitutionnelle de 1972 échoue, mais elle crée les conditions d'une unité nationale que le danger extérieur va précipiter. Profitant de la décolonisation du Sahara espagnol, le roi parvient à mobiliser autour de lui, grâce au succès de la Marche verte (nov. 1975), l'ensemble des forces politiques.
Par ailleurs, avec les mesures de marocanisation et de récupération des dernières terres étrangères, Hassan II recrée indirectement les conditions d'une nouvelle emprise sur des élites sociales en quête de promotion. Fort de ce nouveau consensus politique, le roi va engager un long processus de démocratisation, qu'il maîtrisera jusqu'à sa mort. Pendant la décennie 1977-1986, avec le soutien électoral de partis loyalistes créés pour la circonstance, Hassan II s'entoure de gouvernements appelés à assumer le poids financier du conflit saharien et le coût social de la politique d'ajustement engagée en 1983.
Dans le même temps, il réactive les ressources symboliques et politiques du makhzen, fondé sur la constitution de réseaux d'influence personnels, familiaux ou régionaux et sur la maîtrise des ressources économiques et financières du royaume. Face à l'emprise souterraine mais réelle d'un islamisme susceptible de menacer les bases de son pouvoir, Hassan II réinvestit, en tant que commandeur des croyants, le champ religieux et réorganise un Islam à sa dévotion.
À partir de 1986, la pression intérieure et internationale l'oblige à opérer des concessions sur le terrain des droits de l'homme et des libertés, dont les violations répétées ternissent l'image « démocratique » d'un État qu'il souhaite ancrer dans l'espace politique et économique européen. Les retombées politiques de la crise du Golfe et l'ampleur du déficit social attestée par des émeutes tragiques en 1990 l'amènent à opérer de nouvelles avancées sur le terrain institutionnel.
La Constitution de 1992 marque un rééquilibrage des pouvoirs et un alignement sur les normes de l'État de droit qui emportent l'adhésion de la quasi-totalité des forces politiques. Après un premier échec à l'issue des élections de 1993, l'éventualité d'une alternance resurgit à l'occasion d'une nouvelle révision de la Constitution en 1996 qui, en rétablissant le bicaméralisme, souscrit aux principales revendications de l'opposition, notamment l'élection de la totalité de la première Chambre au suffrage universel. Après les élections législatives de 1997, le roi charge, en février 1998, Abderrahmane Youssoufi, figure emblématique de la gauche nationaliste, de constituer un gouvernement d'alternance en excluant de son choix quatre ministères, l'Intérieur, la Justice, les Affaires étrangères et les Affaires islamiques. Voie royale vers une « transition démocratique » ou statu quo rénové, adapté aux standards de la gouvernance ? La mort brutale de Hassan II, le 23 juillet 1999, laisse la réponse en suspens.
Aimé et craint parfois, usant de la séduction au nom de la raison d'État ou de l'obéissance à Dieu, le souverain s'est attaché à construire un État et à en moderniser les structures, tout en défendant l'unité nationale et l'intégrité de son territoire historique. Comparé à Louis XI l'unificateur, il a mis son intelligence politique et son goût pour l'exercice solitaire du pouvoir au service d'une vision assez gaullienne du destin national du Maroc...
Par ses coups de génie et ses engagements manifestes en faveur des grandes causes de la paix en Afrique, en Europe et surtout au Moyen-Orient, il a forcé l'admiration y compris de ses adversaires. L'hommage de l'immense foule qui a accompagné le cortège de Feu Hassan II a, certes, témoigné de la vitalité du sentiment monarchiste, conforté par une succession tranquille accueillie avec sérénité et ferveur, mais ne saurait pour autant occulter les nombreuses parts d'ombre de son règne, ni les lourdes inégalités sociales et les rudes défis politiques et économiques laissés en héritage.
Un grand visionnaire..
Allah y rahmo