Rabat
top of page

LA JEUNESSE ALGÉRIENNE TOTALEMENT SOUMISE AU 4ᵉ ÂGE

  • 1 nov.
  • 3 min de lecture
ree

Drôle de pays que celui où les jeunes tremblent devant un ancêtre vivant. En Algérie, la peur ne vient plus de la rue mais des reliques du pouvoir. À 91 ans, Djamel Ould Abbès, figure du FLN et incarnation d’un système fossilisé, continue d’apparaître sur les écrans publics, ce même homme, condamné à plusieurs reprises pour détournement de fonds publics, abus de fonction et dilapidation d’argent de l’État, s’offre encore le luxe de sermonner une population qu’il effraie totalement. Il ne s’imagine pas impressionner : il fait peur, réellement. Ses interventions suffisent à rappeler à la jeunesse sa place, celle du silence.


Cette peur n’est pas une émotion, c’est une politique. Elle s’impose par la police, s’administre par la justice, et s’entretient par la télévision. Djamel Ould Abbès en est l’exemple parfait : condamné à huit ans de prison en 2020 pour détournement de fonds publics, puis à trois ans supplémentaires en 2022, il a cumulé les procès et les scandales : marchés truqués, malversations dans le ministère de la Solidarité, usage frauduleux des budgets publics. Mais en Algérie, la condamnation n’exclut pas le micro : elle prépare souvent le retour. Et c’est ainsi qu’un homme reconnu coupable de vol d’argent public peut encore parler de morale nationale.



Les rues, elles, sont vides. Pas seulement à cause d’un couvre-feu ni d’une répression ponctuelle mais par habitude, par lassitude, par peur. La jeunesse algérienne ne s’y rassemble plus pour manifester, mais pour faire la queue pour du lait subventionné. Les jeunes n’osent plus protester, alors que les motifs débordent : des hôpitaux vétustes où les rats côtoient les malades, des universités désertées par l’espoir, un chômage endémique, une corruption massive, des pénuries alimentaires cycliques et des prix qui flambent au rythme des annonces officielles. Tout cela devrait mettre un pays debout : en Algérie, cela le fait s’asseoir, se soumettre.


La peur circule plus efficacement que les lois : on arrête avant qu’il y ait attroupement, on interroge avant qu’il y ait discours, on condamne avant qu’il y ait faute. La justice fonctionne comme une extension du ministère de l’Intérieur. La presse, elle, n’existe plus que sous forme de rubriques officielles : Radio M, Maghreb Émergent, Casbah Tribune ont été réduits au silence. Leur directeur, Ihsane El Kadi, a été condamné à sept ans de prison pour avoir simplement analysé la situation politique. D’autres journalistes, blogueurs ou vidéastes ont été accusés de “terrorisme médiatique”. Même les correspondants étrangers sont désormais traités comme des suspects.


Depuis 2021, la loi antiterroriste a transformé la peur en institution. Sa définition floue du “terrorisme” permet d’arrêter un étudiant pour une publication sur les réseaux sociaux, un syndicaliste pour un tract, un humoriste pour une plaisanterie. C’est la seule réforme réellement appliquée avec rigueur : faire taire. Les ONG internationales dénoncent une dérive inquiétante : l’Algérie criminalise désormais la pensée critique au nom de la sécurité publique. Le Hirak n’est plus qu’un lointain souvenir et les partis d’opposition ne sont plus que des sigles. Les associations qui tentaient de survivre sont dissoutes, les voix indépendantes bâillonnées, les syndicats autonomes neutralisés. Tout est verrouillé : le débat, la rue, la presse, même la satire. Le pays est tenu par des hommes du 4ᵉ âge, crispés sur leurs privilèges, incapables de céder la place ou d’imaginer l’avenir.


La jeunesse, elle, regarde, plongée dans le mutisme elle ne croit plus à la promesse nationale, mais elle ne se révolte pas. Elle rit jaune à voix basse, s’informe sous VPN, et rêve ailleurs. Dans les cafés, on parle de visas, pas de réformes et dans les familles, on parle d’exil, pas de politique. C’est ainsi que le pouvoir a gagné : non en convainquant, mais en épuisant.

Commentaires


bottom of page