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LE JAMOUR, SYMBOLE ÉTERNEL DE L’ARCHITECTURE MAROCAINE

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LE JAMOUR, SYMBOLE ÉTERNEL DE L’ARCHITECTURE MAROCAINE

Il suffit de lever les yeux vers un minaret marocain pour apercevoir, dressé vers le ciel, le jamour à trois boules, cet ornement doré qui surplombe nos mosquées comme un sceau sacré. Trois sphères superposées, étincelantes sous le soleil, semblant relier la terre au ciel. Pour tout Marocain, le minaret sans jamour paraît incomplet, comme une phrase restée sans son dernier mot.


Mais derrière ce symbole familier, se cache une histoire millénaire, un héritage unique au monde islamique, et surtout un signe d’appartenance à une identité religieuse et artistique proprement marocaine.


Nulle part ailleurs, dans le vaste monde musulman, cette triple sphère ne s’est imposée avec une telle constance. En Égypte, en Turquie ou en Iran, les minarets se terminent par des croissants, des flèches ou des dômes. Seul le Maroc, parfois suivi par l’Andalousie, la Tunisie ou l’Algérie, grâce à l’influence des artisans marocains, a élevé le jamour au rang d’emblème architectural. Il est devenu, au fil des siècles, la signature visuelle de l’islam marocain, enraciné dans la tradition et ouvert sur la lumière.


L’histoire du jamour s’écrit avec les grandes dynasties qui ont façonné l’architecture marocaine : les Almoravides, les Almohades et les Mérinides. C’est sous leur règne, à partir du XIIᵉ siècle, que la triple sphère apparaît sur les minarets, notamment sur celui de la Koutoubia à Marrakech, chef-d’œuvre almohade qui en a fixé la forme canonique. Son élancement vertical accompagne l’essor du minaret carré, typiquement marocain, en contraste avec les tours cylindriques ottomanes. Le jamour, alors, n’est pas qu’un ornement : il devient un axe symbolique reliant la foi de la terre à la clarté du ciel.


Sa signification dépasse l’esthétique. Certains y voient une représentation cosmique : la sphère du bas pour la terre, celle du milieu pour l’homme, celle du haut pour le divin. D’autres y lisent les trois degrés de la foi : islam, iman et ihsan. D’autres encore y voient une métaphore des trois royaumes, céleste, terrestre et spirituel, ou même l’hommage aux trois grandes dynasties fondatrices du Maroc. Aucune lecture n’est officielle : le jamour appartient à la fois à l’art, à la foi et à la mémoire collective.


Fabriqué en atelier selon les procédés traditionnels de martelage et de soudure, le jamour est creux pour en alléger la structure. Les trois sphères décroissantes sont fixées sur une tige métallique ancrée au sommet du minaret. Des artisans de Fès à Marrakech perpétuent ce savoir-faire ancestral, alliant précision et spiritualité. Dans les grandes mosquées, comme la Mosquée Hassan II à Casablanca, le jamour peut atteindre plus de quinze mètres, défiant les vents de l’Atlantique et les siècles. Dans les villages, il se dresse humblement en laiton ou en aluminium, mais avec la même fierté.


Symbole national, le jamour a traversé les frontières. Les architectes marocains qui érigent des mosquées à l’étranger, en France, en Belgique, au Canada, ne manquent jamais de l’y placer. C’est leur manière de signer l’origine marocaine de l’ouvrage, au même titre que le zellige, le stuc ou l’arc en fer à cheval. Aujourd’hui, on retrouve sa silhouette dans les logos, bijoux, sculptures et représentations diplomatiques, preuve qu’il est devenu un emblème culturel et spirituel du Maroc tout entier.


À travers les siècles, le jamour est resté fidèle à sa forme, sans jamais trahir son essence. Sa permanence en dit long sur la stabilité et la continuité du Maroc, ce pays qui a su conjuguer tradition et modernité sans jamais rompre avec son âme. Le jamour, dressé au sommet des mosquées, incarne à la fois la foi, la beauté et la souveraineté spirituelle du Royaume.


Il élève le regard vers le ciel, mais son message est profondément terrestre : le Maroc, même dans la verticalité de ses minarets, affirme son identité et sa constance.

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