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RABBI HAÏM PINTO, SYMBOLE DE LA COEXISTENCE MAROCAINE

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RABBI HAÏM PINTO, SYMBOLE DE LA COEXISTENCE MAROCAINE

Rabbi Haïm ben Mass’oud Pinto, que la mémoire juive marocaine appelle HaGadol, naît vers 1748 dans le sud du Maroc, selon la tradition familiale à Agadir, avant que sa famille ne s’établisse à Essaouira. À cette époque, la ville n’est encore qu’un projet d’avenir, une porte en construction entre le Maroc et le reste du monde. Les vents marins soufflent sur un port où se croisent déjà négociants juifs sépharades, voyageurs venus d’Espagne, caravaniers traversant le Sahara et représentants du Sultan. C’est là, dans ce mélange de sel et de sable que Rabbi Haïm Pinto grandit.


Très jeune, il s’immerge dans l’étude de la Torah et de la Halakha (règles qui organisent la vie quotidienne, la pratique religieuse, l’éthique, la justice, la famille, l’alimentation, les fêtes, les contrats, etc). On raconte qu’il retenait sans effort des pages entières de commentaires et qu’il réfléchissait à la loi non pas comme à une simple règle mais comme à une manière d’habiter le monde avec justesse. Sa connaissance de la kabbale lui vient de maîtres de Mogador eux-mêmes héritiers de l’Andalousie perdue. Rien n’y est ésotérique pour la séduction : c’est une kabbale sobre, intérieure, tournée vers la réparation des âmes et la consolation du quotidien.


Devenu Dayan (juge rabbinique), il siège au tribunal religieux de la ville. Mais ce qui le distingue n’est pas sa fonction mais la manière dont il la porte. Il refuse toute rémunération. Les dons qu’il reçoit ne restent jamais plus d’un instant dans ses mains. Il distribue aussitôt à ceux qui n’ont rien, aux marins qui ont perdu leur cargaison, aux veuves, aux vieillards, aux enfants sans foyer. Sa porte n’est jamais fermée. Sa maison est un refuge où l’on entre sans frapper parce qu’on sait que là se trouvent une assiette, une parole simple, une prière. Sa réputation s’étend rapidement dans la ville. Les grands négociants du Sultan, figures centrales du commerce extérieur, viennent le consulter pour garder l’âme droite quand les sommes, les décisions et les responsabilités deviennent trop lourdes. Dans le même temps, les humbles continuent de le voir marcher dans les ruelles d’Essaouira, pieds sur la pierre, saluant chacun par son nom. Il ne s’est jamais tenu au-dessus de personne. C’est ce qui fait que son autorité a duré car elle n’était pas construite dans les paroles, elle était visible dans la vie. Il vivait dans une ville où l’on n’avait pas besoin d’expliquer la coexistence, parce qu’elle était là, au quotidien.



Juifs et musulmans ne se regardaient pas comme deux mondes séparés mais comme des habitants d’une même ville. Rabbi Haïm n’a jamais cherché à débattre de l’islam, ni à se poser dans une comparaison. Chacun priait selon sa tradition, et ce qui comptait, c’était la droiture dans la vie de tous les jours. Les autorités musulmanes le respectaient parce qu’il était juste. Les habitants, quelle que soit leur foi, savaient que sa parole ne prenait pas parti, il ne faisait pas semblant de rapprocher les communautés mais vivait dans un monde où elles n’avaient pas besoin d’être rapprochées, c’est cela, son rapport à l’islam. On raconte de lui des délivrances, des interventions providentielles, mais dans le judaïsme marocain on sait que les récits ne sont pas là pour impressionner. Rabbi Haïm Pinto ne recherchait ni le spectaculaire ni l’admiration, il croyait à la réparation silencieuse, à la charité comme devoir, à la prière comme respiration.


Il n’a pas laissé de traité rédigé par lui-même, comme le font certains maîtres d’Europe ou du Levant. Son enseignement passe par ses jugements, ses conseils, ses réponses de halakha, ses paroles rapportées par ses fils, par ses élèves, par les familles qui l’ont connu. Ses enseignements se retrouvent aujourd’hui encore dans des recueils et anthologies, étudiés dans les yeshivot sépharades du Maroc, d’Israël et de la diaspora. Ils n’ont pas la forme de la doctrine mais de la continuité vivante. On étudie encore de nos jours la manière dont il résolvait les conflits, comment il apaisait les disputes, comment il restaurait la dignité des humiliés.


Rabbi Haïm Pinto s’éteint en 1845, à Essaouira, juste avant les prières du nouvel an. Depuis, sa tombe est devenue un lieu de mémoire. Chaque année, le 28 Eloul (le jour juste avant Roch Hachana), des familles venues du Maroc, d’Israël, de Paris, de Montréal, de New York, s’y rassemblent. Elles viennent y renouer avec une manière d’être humble, juste, fidèle, et enracinée. Rabbi Haïm Pinto est un rappel que la véritable grandeur se pratique, chaque jour, dans le geste discret qui restaure la dignité humaine et il demeure, aujourd’hui encore, l’une des plus grandes figures morales du judaïsme.


Dans le climat actuel où certains relais du régime algérien tentent de tout mélanger pour semer la confusion, il est essentiel de rappeler ce que tout Marocain sait depuis toujours : les juifs marocains ne sont ni un corps étranger, ni une « exception tolérée », encore moins un instrument politique d’une quelconque idéologie extérieure. Ils sont une composante ancienne, loyale et organique de la nation marocaine, enracinée sur cette terre bien avant même l’apparition du mot « Algérie » dans l’histoire contemporaine. Leur présence ne procède ni du sionisme ni d’une quelconque ingérence : elle est le fruit d’un vivre-ensemble séculaire, d’un pacte de loyauté autour de la dynastie, et d’une histoire façonnée côte à côte avec leurs compatriotes musulmans. Au Maroc, personne n’a le « complexe du juif » que certains cherchent à projeter depuis l’extérieur, et aucun discours importé ne pourra nous diviser. Ceux qui tentent de comparer le Maroc à des situations étrangères ignorent tout de notre réalité nationale : ici, l’unité ne se négocie pas, elle se vit. Et nous ne laisserons jamais quiconque, où que ce soit, troubler cette unité forgée par des siècles de coexistence, de justice et de fidélité au glorieux Trône alaouite sous l’égide de SM le Roi Mohammed VI que Allah L’Assiste.



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