Rabat
top of page

KOULOUGHLIS ET OTTOMANS, LE TABOU QUI HANTE L’ALGÉRIE

  • 25 sept.
  • 4 min de lecture
KOULOUGHLIS ET OTTOMANS, LE TABOU QUI HANTE L’ALGÉRIE

En Algérie, il existe deux insultes considérées comme les plus graves : traiter quelqu’un de « Harki » ou de « Kouloughli ». La première renvoie aux Algériens accusés d’avoir collaboré avec la France durant la résistance. La seconde désigne les descendants des Turcs ottomans et des femmes locales. Or, employer ce terme, c’est rappeler une vérité historique que l’idéologie officielle du régime algérien s’efforce d’occulter : bien avant la présence française, l’Algérie a subi trois siècles de domination ottomane.


C’est un secret de polichinelle : le régime algérien est extrêmement tatillon dès qu’il s’agit de son histoire. Face aux faits historiques pourtant amplement documentés, il s’emploie à réécrire une narration mythifiée, inventant un passé prétendument glorieux pour mieux asseoir la figure révolutionnaire du « moudjahid », ce combattant idéalisé qui ne se soumet jamais. Mais le 17 septembre, l’ambassadeur de Turquie en Algérie a brisé ce récit fantasmé en rappelant à ce pays né en 1962 l’empreinte indélébile laissée par trois siècles de domination ottomane, de 1516 à 1830, durant lesquels fut instaurée la Régence d’Alger.


Depuis 1962, le discours d’État ne reconnaît qu’une seule domination : celle de la France. La période ottomane est au contraire présentée comme une époque d’« indépendance pré-nationale », comme si Alger avait été un centre de souveraineté. Pourtant, contrairement à la Tunisie avec la dynastie des Husseinites ou à Tripoli avec les Karamanli, la Régence d’Alger n’a jamais débouché sur la formation d’un État national. Elle fut une province turque, administrée par des janissaires venus d’Anatolie, sans enracinement local.



Un incident diplomatique récent a remis cette réalité au grand jour. L’ambassadeur de Turquie en Algérie, Muhammet Mucahit Kucukyilmaz, croyant flatter ses hôtes, a rappelé que plusieurs millions d’Algériens sont d’ascendance turque, reconnaissables à leurs patronymes. Jusqu'à 20 % de la population algérienne serait ainsi issue des familles turques, soit près de 9 millions de personnes, identifiables à des noms comme Sari, Kara, Barutcu, Telci. Ces lignées descendent pour partie directement d’Anatolie, pour partie des fameux Qul-Oglu (Kouloughlis), enfants des janissaires et de femmes locales. Même Ahmed Bey, figure de la résistance à la présence française, appartenait à cette descendance.


L’ambassadeur n’a pas manqué de rappeler aussi l’héritage culturel turc qui façonne encore aujourd’hui la prétendue « identité algérienne » : plats tels que borek, baklava, dolma, eriste ou shakshuka, vêtements et artisanat proches de ceux d’Anatolie, métiers d’art comme la gravure sur cuivre, motifs décoratifs. « Lorsque vous vous promenez dans les ruelles de la Casbah, vous avez l’impression de vous balader à Suleymaniye ou à Fatih, à Istanbul », a-t-il souligné. Un constat accablant pour un pays qui, dans le même temps, s’acharne à s’approprier le patrimoine marocain afin de masquer l’omniprésence de la culture ottomane sur son sol.


En Algérie, ces propos ont été perçus comme une insulte. Car ils mettent à nu une contradiction majeure : le régime exalte le mythe du « million et demi de martyrs » face à la France, mais tait les unions des femmes indigènes avec les Turcs, unions à l’origine des Kouloughlis, symbole vivant de la domination ottomane. D’ailleurs, comme le rappelle l’historien Alain Boyer, dès 1621 on comptait déjà 5 000 Kouloughlis pour 10 000 Turcs dans la seule ville d’Alger. Être traité de « Kouloughli » reste aujourd’hui la pire des insultes, car elle réveille ce passé honteux.


La Turquie, pour sa part, n’a pas oublié. Ses responsables rappellent régulièrement que l’Algérie fut une province ottomane, administrée depuis Istanbul. Le député turc Bahadır Nahit Yenişehirlioğlu, réagissant à la présence du PKK à Tindouf, n’a pas hésité à déclarer que l’Empire ottoman avait commis une erreur en cédant « la province turque d’Algérie » à la France en 1830. Cette vision néo-ottomane heurte de plein fouet le mythe algérien d’une nation éternelle et souveraine.


Il est intéressant de comparer cette situation avec celle du Maroc. Jamais notre pays n’a été sous domination ottomane. Face aux assauts turcs, nos dynasties, saadienne puis alaouite, ont toujours défendu l’indépendance et la souveraineté marocaines. À Fès, à Marrakech ou à Meknès, l’architecture, les arts et la culture témoignent d’une continuité marocaine authentique, enracinée dans notre propre histoire. À Alger, au contraire, la Casbah porte encore les marques d’Istanbul.


Cette différence explique en partie la solidité de l’identité marocaine et la fragilité de l’identité algérienne. Le Maroc s’est construit dans la continuité d’une monarchie millénaire, toujours indépendante. L’Algérie, elle, n’est née qu’en 1962, sur les ruines d’une double domination, ottomane puis française. D’où les crispations actuelles, et cette hypersensibilité à tout rappel de l’héritage ottoman.


L’histoire est têtue. Quoi qu’en dise la propagande, l’Algérie fut bel et bien sous domination ottomane entre 1534 et 1830. Les janissaires imposèrent leur autorité, se réservèrent les hautes fonctions, pratiquèrent l’endogamie et exclurent les indigènes de leur élite. Leur domination fut si marquée qu’aujourd’hui encore, les Algériens oscillent entre fascination et rejet. C’est ce paradoxe qu’a mis en lumière, sans le vouloir, l’ambassadeur de Turquie.


La vérité historique ne peut être effacée par des slogans. Elle rappelle au contraire l’importance de distinguer les nations qui se sont construites par elles-mêmes, comme le Maroc, de celles qui sont le fruit de dominations successives.


Et c’est justement pour cela que beaucoup de Marocains, refusent d’être comparés aux Algériens. Beaucoup d'algériens prétendent que nous nous ressemblons en tout. C’est une erreur profonde. Nos trajectoires historiques sont radicalement différentes : le Maroc n’a jamais abdiqué sa souveraineté, il a toujours résisté aux empires extérieurs, préservant son identité millénaire. L’Algérie, au contraire, est née d’une succession de dominations, oscillant encore aujourd’hui entre héritages turc et français. Nous ne nous ressemblons pas, car nous ne partageons ni la même histoire, ni la même identité, ni la même solidité nationale. Le Maroc est un royaume enraciné, l’Algérie une construction récente aux fondations fragiles.



3 commentaires


Membre inconnu
25 sept.

L'Algérie est constituée de plusieurs peuples issus de plusieurs partouze de civilisation, c'est pas moi qui dit cela mais c'est Charles de Gaulle le fondateur de l'Algérie lors du référendum d'autodétermination.

J'aime
Membre inconnu
28 sept.
En réponse à

Non c maroc la partouze romain byzantin sénégalais portugais espagnole français et touriste leq senghouli descendant soldats sénégalais portugais espagnole français abid bokhari

J'aime

Membre inconnu
25 sept.

Excellent article, les karghoulis savent que pester mais l’histoire est là et parle d’elle même dans les rue d’ALGER..


J'aime
bottom of page